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Dans une vidéo postée sur Twitter le 11 août dernier, Isabelle Schmitz, rédactrice adjointe des numéros hors série d'art et d'histoire du Figaro, affirme que le coup d'État de Franco est « une réaction de légitime défense » face à une stratégie républicaine de « chaos ». Elle y considère la Ley de Memoria Histórica de 2007(1) comme résultant de la propagande stalinienne qui continue à alimenter nos livres d'histoire !
Dans un tweet du 9 août (ci-dessus), elle nous offrait un exemple probant de négationnisme.
Petite exégèse de ce tweet...
L'expression « très éloignée de la réalité » instille le doute sur la réalité même du bombardement de populations civiles par les aviations d'Hitler et de Mussolini. Cela constitue pourtant des faits avérés sur lesquels nous ne manquons pas de documents ... Les débats sur le nombre exact de morts, sur les motivations stratégiques réelles du choix de Guernica, sur le rôle de Franco dans le recours aux aviations allemande et italienne, sont des débats légitimes même s'ils ont été tranchés pour l'essentiel par la recherche historique.
Mais ce ne sont pas d'éventuels débats que relatent les propos d'Isabelle Schmitz qui insinuent une remise en cause des faits eux-mêmes. Certes elle ne dit pas que le bombardement n'a pas eu lieu, mais en parlant d'un éloignement de la réalité sans en préciser la nature exacte, elle rend possible voire incite aux interprétations les plus radicales y compris négationnistes.
« Propagande », « instrumentalisé » : bien sûr que antifascistes ont voulu se servir de la réalité de Guernica pour contribuer à une prise de conscience internationale de la dangerosité absolue d'Hitler, notamment d'un point de vue militaire ... Nous sommes en avril 1937 et l'opinion publique est loin d'être convaincue de la réalité de la menace nazie. Mais que l'atroce réalité du bombardement de Guernica ait été utilisée pour dénoncer le péril hitlérien, peut-il être évoqué par les termes de propagande et d'instrumentalisation ? À moins qu'on veuille à nouveau instiller le doute même sur la véracité du bombardement.
« la dangerosité militaire de l'Allemagne » : ne pas spécifier qu'il s'agit de l'Allemagne nazie contribue à banaliser l'opposition politique anglaise comme si elle relevait d'un conflit international ordinaire, niant la nature spécifique de cette dangerosité : l'idéologie nazie. Ceux des politiques qui disent aujourd'hui ne pas vouloir se mêler d'une question qui ne regarderait que les Espagnols et leur histoire jouent la même stratégie dangereuse : banaliser la nature particulière d'un événement où ont commencé à se concrétiser les volontés de domination territoriale nazies, fondées sur une idéologie xénophobe et totalitaire.
Mettre à bas un symbole universel
Qu'un débat historique puisse chercher à cerner, le plus exactement possible, la réalité de l'événement est légitime. Mais ce n'est pas ce que fait Le Figaro, qui sous l'alibi d'une prétendue révélation de vérité, insinue le doute sur la réalité même de l'évènement. Ce n'est pas nouveau pour Le Figaro qui dès le 3 mai 1937 (page 3) prenait le parti de la propagande franquiste et affirmait que la ville n'avait pas été bombardée mais incendiée par les républicains basques. Le Figaro continuera dans les semaines suivantes à jouer des pires ambiguïtés.
Faire un tel choix, et tout particulièrement à propos d'un événement devenu le symbole universel de l'aspiration humaine à renoncer à l'horreur de la guerre et à lutter contre la menace des idéologies nazie et fasciste, est le témoignage d'une volonté idéologique prête à tout pour réhabiliter les pires politiques.
Honte au Figaro !
(1) Loi de reconnaissance et d'extension des droits et de rétablissement des moyens en faveur de ceux qui ont souffert de persécution ou de violence durant la Guerre civile et la Dictature