« Offrir une solution aux parents en détresse » : les sociétés proposant des soutiens scolaires à domicile ou des plateformes en ligne multiplient les annonces publicitaires sur l’argument : « depuis la rentrée, il manque des professeurs dans la plupart des établissements scolaires, ne prenez pas de risques pour vos enfants… ». Après s’être envolé ces dernières années, par suite de la crise épidémique, le marché du soutien scolaire connaît un nouveau regain du fait des craintes générées par le déficit de recrutement enseignant. Sans vergogne, les publicités fusent qui prétendent garantir un avenir que l’école publique ne permettrait plus. Les promesses sont d’autant plus alléchantes qu'il faut décider les familles d'engager une dépense n’est pas négligeable.
De ce fait, le soutien scolaire privé n’est pas accessible aux enfants des familles dont les revenus sont faibles.
Mais pour les autres, l’État accepte de les subventionner en leur accordant une aide fiscale.
Pour le soutien scolaire, cette aide permet un crédit d’impôt de 50% des frais engagés, avec un plafonnement des dépenses éligibles pouvant aller jusqu’à 20000€ par an. Elle peut donc atteindre 10000€ par an. C’est-à-dire une somme supérieure à la dépense moyenne consacrée à un élève du second degré (9850€) et très largement supérieure que celle consacrée à une élève du premier degré (6980€).
Voilà où nous en sommes… l’aide accordée par l’État aux familles privilégiées qui peuvent financer le soutien scolaire peut être supérieure à la somme consacrée à la scolarisation d’un élève ! En 2008, l’aide fiscale représentait 240 millions d’euros annuels[1] soit deux fois et demie le budget consacré à l’Education prioritaire. Au vu du développement du marché… cette part a très probablement grandi.
Sur le fond rien ne garantit que l’aide apportée soit réellement capable d’aider les élèves en difficulté. Mais l’essentiel des demandeurs cherche plutôt à renforcer des réussites déjà engagées par la scolarisation en école publique. Une forme de sécurisation pour garantir les espoirs d’accès aux formations les plus élitaires.
En attendant les acteurs du soutien scolaire privé agissent pour obtenir d’autres aides financières publiques. Un de leurs arguments est qu’une part majeure du marché est non déclarée et que le développement de la part déclarée représenterait donc une manne potentielle pour les finances publiques. Mais au-delà, leurs discours se fondent sur une logique de transformation ultralibérale de l’École publique, vantant la capacité dynamique des startups et de leurs outils numériques et la nécessité de renoncer aux modèles actuels de l’enseignement scolaire pour leur préférer les sirènes du coaching. Les déficits de personnels enseignants les incitent désormais à surfer sur l’inquiétude des parents dont les revenus permettent d’investir dans la réussite de leurs enfants.
« L’école se débrouille mal avec les pauvres[2] » affirmait le ministre Pap Ndiaye… continuera-t-il à feindre d’ignorer que c’est la politique menée qui en est grandement responsable.
[1] CERC, Les services à la personne, rapport n°8, 2008
[2] Brut, 29 août 2022