L’Inspection générale (IGÉSR) a produit deux notes de suivi de la mise en œuvre des contrats locaux d’accompagnement (CLA). La première (1), constatant la mise en œuvre, tentait de définir les observables qui permettront leur évaluation. La seconde (2) tente un premier bilan, dans l’attente du bilan annuel de juin 2022.
Une adhésion générale à la contractualisation ?
A en croire cette seconde note, tout est pour le mieux…
Les équipes enseignantes, nous disent les inspectrices et inspecteurs généraux, voient dans le CLA une reconnaissance de leurs difficultés. Les cadres soulignent unanimement les effets rapides des CLA pour relancer les dynamiques pédagogiques et éducatives. Au fur et à mesure de la lecture de la note, nous apprenons que les personnels « ont facilement accepté d’entrer dans la logique du diagnostic réalisé par les équipes de direction » et qu’ils apprécient les « indicateurs permettant d’objectiver les choix et la ventilation des moyens. » car les équipes « ne contestent pas – voire adhèrent – au principe de rendre compte de l’action conduite ».
Le constat est particulièrement positif : « tous partagent un fort engagement et une volonté d’investir le nouveau dispositif »
Et s’il fallait à nouveau justifier la contractualisation, le rapport le fait dans l’enthousiasme : au dire des inspecteurs généraux, elle est parfaitement à même de s’adapter aux particularités de chaque niveau d’enseignement, au-delà de leurs spécificités dans les pratiques de pilotage et dans la culture didactique et pédagogique. L’effet est inespéré pour les enseignantes et enseignants puisque le CLA « permet de rompre avec un sentiment d’abandon institutionnel qui érodait leur capacité à s’engager dans un mouvement de rénovation pédagogique. ». Dans les établissements qui avaient « vécu de vives tensions au cours des dernières années scolaires », le CLA « a favorisé le déroulement d’une rentrée sereine ».
Quant à l’autonomie, dont il est affirmé qu’elle constitue un élément essentiel qu’il faudra observer pour évaluer la réussite du CLA, sa réalité reste difficilement cernable. Mais on peut toujours lire, entre les lignes, que les marges de manœuvre de l’école ou l’établissement se verront vite contraintes. La liberté donnée aux équipes de s’auto-évaluer se heurtera vite à la nécessité de « garantir la pertinence et la robustesse des indicateurs qui seront retenus pour mesurer les plus-values du dispositif. ». Est par exemple décrété que l’impact des projets sur les publics allophones est un indicateur mal approprié pouvant se révéler contre-productif. L’autonomie s’avérera vite toute relative, puisque, quand il s’agira de décider de l’allocation spécifique et de son montant, le dialogue de gestion viendra se substituer à l’auto-évaluation.
Le primat du comportement aux dépens des apprentissages
L’expression des finalités insiste sur « l'acculturation des élèves aux comportements attendus », leur « prise de confiance», leur « sécurisation ». Les visées comportementalistes prônées par Yann Algan à la suite du colloque de décembre 2020 sont à l’œuvre… La hiérarchie des enjeux est claire puisque la note affirme « l’objectif de générer les progrès des élèves par un mieux-être à l’école mais aussi au travers de leurs apprentissages. » : le fondement du progrès des élèves est désormais inscrit essentiellement dans leur bien-être et complémentairement dans leurs apprentissages. D’ailleurs, dans la grille proposée dans la note précédente(2), grille destinée à observer les effets du dispositif, les seules compétences explicitement désignées sont les compétences socio-comportementales.
Pourtant, la note comporte ce qui devrait constituer une véritable alerte quant à la capacité des CLA à produire une plus grande égalité : elle constate en effet que la réflexion des équipes porte exclusivement sur la périphérie de la classe et, donc, s’intéresse peu à l’enseignement et aux apprentissages. Les fantasmes d’une démocratisation par l’extérieur sont revenus au cœur des politiques d’éducation prioritaire désormais focalisées sur la transmission de comportements.
Nous aurions attendu d’un rapport de l’inspection générale, qu’un tel constat soit une exprimé avec une vive et nette alerte pour qu’une politique destinée à réduire les inégalités ne puisse pas se limiter à produire un leurre où l’école et le collège se contenteraient des illusions du bien-être et de la conformité aux attentes comportementales. Nous sommes bien loin d’une volonté délibérée de lutte contre les inégalités qui se fonderait sur le traitement des difficultés d’apprentissage en classe par la formation et le développement des compétences pédagogiques et didactiques des enseignants. Mais cela ne semble pas faire naître, à l’Inspection générale, de doute sur la capacité des CLA à assurer la promesse égalitaire de l’école républicaine.
(1) IGÉSR, Note d’étape n°2022-008, janvier 2022
(2) IGÉSR, Note d’étape n°2021-105, novembre 2021, p.7