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Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

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Billet de blog 17 décembre 2021

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Jusqu'où ?

[Rediffusion] Jusqu’où le discours ministériel sera-t-il capable d’aller pour servir ses intérêts, au mépris de la réalité vécue au quotidien dans les écoles, collèges et lycées ?

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Jusqu’où le discours ministériel sera-t-il capable d’aller pour servir ses intérêts, au mépris de la réalité vécue au quotidien dans les écoles, collèges et lycées ?

Cette dernière période de l’année, par suite de l’invraisemblable décision de répondre à une vague épidémique par la réduction des fermetures de classes, s’est terminée par une flambée épidémique sans précédent en milieu scolaire. Nous venons de battre le record des hospitalisations d’enfants avec le nombre le plus élevé depuis le début de l’épidémie[1]. Au vu des taux d’incidence, tant chez les élèves que chez les personnels, sept syndicats, représentant plus de 80% des enseignants, ont alerté le ministre… en vain.
Car désormais la communication ministérielle a totalement rompu avec la réalité… pour s’enfermer dans l’illusion qu’il suffit d’énoncer des arguments pour justifier des choix.
Ainsi, interviewé par Jean-Jacques Bourdin[2], le ministre affirme que dans les cantines, le service est assuré une seule classe à la fois ! Comment oser affirmer cela alors que tous les agents et usager sont témoins que l’information est totalement fausse ! Ce n’est même pas une consigne … et de toute façon elle serait vaine : imaginez le temps nécessaire s’il fallait faire des services successifs pour les dizaines de classes d’un lycée. Déjà à l’échelle de la plupart des écoles, ce serait impossible.

Cette logique va jusqu’à l’absurdité puisque le discours institutionnel annonce une amélioration dont témoignerait le nombre plus réduit de classes fermées alors que cette réduction n’est due qu’au changement de protocole qui a réduit les cas rendant possible la fermeture de classe. Quant aux chiffres de contamination annoncés, il suffit de les comparer avec ceux annoncés par le ministère de la Santé pour nourrir quelques doutes. La réalité, tout le monde la connaît, c’est une flambée de contaminations ! Déjà depuis plusieurs mois, on cherchait à réduire le nombre de classes fermées par l’invention d’une nouvelle catégorie « classe avec suspension provisoire de l’accueil ». La rhétorique ministérielle va désormais chercher sa prétendue habileté dans la rouerie.
Parmi les conséquences, il y a toutes celles issues des tensions que créent ces jeux communicationnels. Ainsi quand la FAQ du ministère invite les directrices et directeurs d’école à réduire le brassage des élèves en cas d’absence d’un enseignant contaminé, c’est-à-dire incite à ne pas les inclure dans les autres classes. Sur le terrain les consignes sont tout autres : surtout ne pas fermer pour produire un chiffre témoignant de l’exceptionnelle volonté du ministre français. Il n’est pas compliqué d’imaginer les conséquences en termes de conflits entre école et familles quand la communication ministérielle, obsédée à répéter que tout va bien, revient à sous-entendre que les décisions locales ne seraient pas guidées par une volonté de sécurité sanitaire mais par celle d’anticiper les congés des vacances scolaires.

Malgré les discours, la réalité des indigences de la politique ministérielle est de plus en plus visible.
Si l’on compare par exemple les investissements d’État faits pour améliorer le renouvellement de l’air dans les classes, force est de constater que l’aide vantée par le ministre est ridiculement faible en France. 20 millions d’euros ont été consacrés à l’achat de détecteurs de CO2 alors qu’en Allemagne les dépenses fédérales ont été 35 fois supérieures (700 millions) pour acheter des purificateurs et engager des investissements de ventilation des bâtiments.

Une telle situation vient épuiser les personnels techniques, administratifs et enseignants déjà largement éprouvés par l’épidémie. Mais comme il ne peut être question pour le ministère de considérer que les difficultés à pouvoir répondre à la complexité de la situation puissent s’inscrire dans un déficit de moyens, le discours reste des plus confus, y compris devant la représentation nationale, lorsqu’il évoque l’absentéisme enseignant. Livrer le fonctionnaire à la suspicion publique reste un mode de défense élémentaire des gouvernants, au risque des graves conséquences d’une rupture entre les services publics et la population. En matière d’école, on sait qu’elle se jouera au profit des milieux favorisés qui disposeront des moyens de financer des services privés et aux dépens des classes populaires qui ne le pourront pas !

[1] Libération 16/12/2021
[2] Bourdin direct, RMC, 9/12/2021

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