Paul DEVIN (avatar)

Paul DEVIN

Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

Abonné·e de Mediapart

218 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 mars 2025

Paul DEVIN (avatar)

Paul DEVIN

Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

Abonné·e de Mediapart

Violences scolaires : jusqu'à quand la persistance des sévices et des châtiments ?

On pourrait avoir le sentiment que les révélations récentes de gravissimes violences scolaires puissent augurer un renoncement … pourtant le doute subsiste sur la capacité de la volonté politique à faire cesser des pratiques instituées qui restent fondées sur des conceptions éducatives de soumission.

Paul DEVIN (avatar)

Paul DEVIN

Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La multiplication des dénonciations collectives de graves violences agies sur les élèves de Bétharram rend visible une réalité particulièrement inquiétante : nous ne sommes pas face à des actes isolés témoignant de la perversité singulière de quelques individus couverts par leur institution… mais face à des pratiques instituées, admises au sein d’un fonctionnement collectif, ce qui sous-entend leur légitimation éducative. Dans certains établissements privés, cette violence est un mode éducatif.

Si l’histoire de l’éducation a montré qu’il constituait un modèle courant au XIXe siècle[1], nous avions le sentiment que ces stratégies coercitives de sévices et de châtiments étaient désormais devenues intolérables et ne persistaient que dans des agissements individuels isolés.

Nous pensions avoir mis fin, tout au moins dans les conceptions collectives et institutionnalisées, aux représentations qui légitimaient le redressement nécessaire d’une enfance coupable et sa soumission absolue à l'adulte. Force est de constater que la violence pédagogique instituée persiste comme un mode éducatif légitime dans certaines écoles privées. Le soutien qui leur est apporté, y compris après la divulgation de faits avérés, laisse penser que ce dérives sont considérées comme le prix à payer d’une nécessaire fermeté éducative.

Du côté des parents, la demande « de rigueur et de discipline[2] », qui motive pour une part leur choix de ces établissements privés, accorde, de ce fait, une telle confiance aux principes d’ordre promis par l’établissement qu’elle les rend sourds et aveugles aux dérives qu’ils génèrent.

Du côté de l’institution scolaire, le « pas de vagues » produit une sorte de négligence ou tout au moins de superficialité du contrôle qui se satisfait du déclaratif et cherche à éviter tout conflit qui pourrait nuire à l’image de l’établissement. On se méfie du discours des victimes et on se satisfait des attestations de confiance prodiguées par élus ou notables.

Or désormais, nous savons : il existe dans certains établissements une volonté de briser l’individu pour le rendre docile et obéissant. Cette volonté tolère des pratiques violentes allant jusqu’au crime, à l’emprise sur les enfants et les adolescents et à la menace pour les faire taire. Le doute n’est plus possible : pour les violences exercées à Bétharram, l’Église a reconnu les faits et une condamnation judiciaire a été prononcée[3].

Le complice évitement qui a voulu les ignorer ne peut plus persister : des mesures à la hauteur de la gravité des faits doivent être prises.

La première serait de considérer que les établissements qui ont laissé perdurer ces pratiques et donc les ont acceptées comme un choix éducatif ne peuvent plus assurer leur fonction éducative parce que c’est leur fondement même qui est inacceptable. Non seulement toute subvention doit être interrompue mais leur activité doit cesser au titre de la plus élémentaire protection de l’enfance.

Quant à l’ensemble des établissements privés, la ministre a annoncé un renforcement des contrôles. Bien sûr, il ne s’agit pas de les incriminer tous mais de considérer que d’autres que Bétharram se livrent à ces pratiques violentes, comme l’ont révélé récemment des témoignages. Or le programme annoncé par le ministère témoigne d’une absence de volonté déterminée.

Éric Nicollet, secrétaire général du syndicat des inspecteurs de la FSU (SUI-FSU), a montré[4] qu’il faudra 10 ans, vu le rythme annoncé, pour parvenir à contrôler tous les établissements. Et on peut craindre que le modèle avec lequel s’exercera le contrôle n’ait pas été suffisamment remis en question pour que ces démarches soient réellement capables de mettre à jour des dysfonctionnements graves. On continue à avertir les établissements de la date des contrôles et rien n’est prévu pour garantir l’indépendance absolue de ceux qui les mettront en œuvre.

Face au paradoxe d’une institution scolaire qui ne cesse de proclamer ses intentions de bienveillance et d’empathie mais laisse subsister les pires agissements, les assurances données d’un changement sont bien faibles.

On peut craindre qu’une fois que l’agitation médiatique révélatrice des faits sera calmée, la volonté persistante d’un apprentissage à tout prix de la soumission et de l’obéissance vienne à nouveau donner lieu aux pires exactions.

A Bétharram, ce sera au prétexte d'une conformité aux instructions du fondateur, Michel Garicoïts, qui affirmait la nécessité d’une obéissance absolue et aveugle. « L'obéissance, c’était son mot […] dont il faisait dépendre toute vertu et il avait raison car sur la terre tout consiste à obéir[5] »

------------

[1] Jean-Claude CARON, A l’école de la violence, 1999
[2] Le Figaro, 19 janvier 2024
[3] Tribunal de grande instance de Pau, 2 décembre 1993
[4] Grand JT de l’Education, SquoolTV, 20 mars 2025
[5] Basilide BOURDENNE , Vie et lettres du R. P. Michel Garicoïts, fondateur et premier supérieur de la Congrégation des pères du Sacré Cœur de Jésus établie à Bétharram, 1878, p.448

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.