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Syndicaliste, Paul Devin a été inspecteur de l'Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement le président de l'Institut de Recherches de la FSU

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Billet de blog 23 décembre 2021

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Quelques arguments pour une fin de repas à tendance « fonctionnaire prof bashing »

Qui n’a pas connu à la fin des repas de fin d’année, la résurgence (quelquefois avinée) des sempiternels débats sur les privilèges des enseignants fonctionnaires? Pour ceux qui se savent parfois à court d’arguments, ce billet vous offre l’occasion d’une révision de dernière minute.

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Qui n’a pas connu à la fin des repas de fin d’année, la résurgence quelquefois avinée des sempiternels débats sur les privilèges des enseignants fonctionnaires… Pour ceux qui se savent parfois à court d’arguments, ce billet vous offre l’occasion d’une petite révision de dernière minute.  

Les fonctionnaires ont des revenus plus élevés que les salariés du privé.

  • Globalement c’est faux puisque le revenu moyen du fonctionnaire est même très légèrement plus faible que celui d’un salarié du privé (2230 euros net contre 2250 euros).
    Bien sûr cela est très variable suivant le niveau de qualification requis par les postes occupés : la moyenne des rémunérations dans la fonction publique d’État est plus élevée parce qu’elle recrute plus fortement à des hauts niveaux de qualification (catégorie A ouverte à partir de Bac+3). C'est le cas des enseignants et enseignantes.
  • A tâche comparable, les agents de la fonction publique sont, en général, plutôt moins bien payés. Bien sûr, c’est une tendance générale et on peut trouver quelques contre-exemples. Cette tendance est d’autant plus vraie quand on ne bénéficie d’aucun des avantages de certains employés de l’entreprise privée, par exemple ceux de la prime de fin d’année dite treizième mois… 
  • Le fait d'être agent du service public ne met pas à l'écart de la précarité qui se développe du fait de l’accroissement des non-titulaires dont le contrat est à durée déterminée. Désormais on peut travailler dans la fonction publique et être en-dessous du seuil de pauvreté. Les rapports officiels ne cessent de constater l’installation de cette précarité y compris chez des enseignantes et enseignants non titulaires.
  • Et si l’on regarde plus spécialement la situation salariale des enseignantes ou enseignants force est de constater qu’elle se caractérise aujourd’hui par deux éléments qui ressemblent assez peu à des privilèges éhontés.
    • Tout d’abord une perte croissante du pouvoir d’achat très largement supérieure à celle des salariés du privé. Avec, pour les 10 dernières années, une augmentation du point d’indice de 1,2% contre une inflation de 9 ,9% … le calcul est vite fait !
    • Ensuite une rémunération plus faible que dans la plupart des pays économiquement équivalents.
  • Et malgré les intentions déclarées du gouvernement, les femmes continuent à être moins bien payées avec un différentiel pouvant aller jusqu’à près de 20%.

Les fonctionnaires travaillent moins… surtout les profs !

  • C’est vrai que les professeurs ont davantage de vacances … Mais c’est seulement en apparence parce qu’en fait, leur temps de travail annuel est de 1607 heures comme toute personne travaillant 35 heures par semaine ! Et de nombreuses études, y compris menées par l’administration, ont montré que dans la réalité, les profs dépassent largement leur horaire annuel, ce qui est aussi le cas de nombreux autres fonctionnaires, comme de nombreux travailleurs du privé. Mais chez le professeur, c’est sans espoir du moindre RTT.
  • Quant à l’absentéisme, là encore, les études y compris officielles sont unanimes : les fonctionnaires de l’État sont moins absents que la plupart des autres salariés. Il s’agit bien sûr des absences pour congé maladie, pas de celles liées à une demande de leur employeur d’aller assurer une autre tâche (convocation à un examen, à un concours, à une réunion, à une formation, …). Contrairement à ce que l’on croit, si un élève n’a pas de prof, ce n’est pas parce ce dernier serait plus souvent que d'autres en congé… mais parce que les moyens pour enseigner dont dispose le service public aujourd’hui sont insuffisants.
  • Les fantasmes sur les cohortes d’enseignants qui ne feraient rien ou pas grand-chose sont sans fondement. Tout comme l’épisode de juin 2020 où certains médias accusaient les enseignants de ne pas vouloir reprendre le travail à la fin du premier confinement. Le ministre, soucieux de se dédouaner de toute difficulté dans la reprise après confinement avait évoqué une enquête … dont les résultats ont montré l’inanité de ces attaques médiatiques et le fort engagement des enseignants dans cette période des plus complexes où la progressivité de la reprise a été guidée par de multiples facteurs et non du fait de l’absence des enseignants.

Les fonctionnaires ont une meilleure retraite

  • Là encore les études convergent. Il n’y a pas d’avantage intrinsèque du fonctionnaire. Malgré les différences de mode de calcul (25 meilleures années versus 6 derniers mois), le taux de remplacement, c’est à dire la part des revenus conservée dans la pension, est quasi équivalent. Et si la moyenne des pensions est plus élevée dans la fonction publique d’État, c’est une conséquence du niveau de qualification, particulièrement perceptible chez les enseignantes et enseignants. A l’inverse, la moyenne dans la Fonction publique territoriale est plus faible … cette fois-ci du fait d’un plus faible niveau de qualification.
  • Quant à l’âge de départ … rappelons qu’il est le même dans le public et dans le privé : 62 ans ! Sans doute davantage d’exceptions rendent possible un départ plus rapide dans la fonction publique mais il est peu utilisé dans les faits puisque la date de départ d’un agent public n’est que de quatre mois plus tôt que la date de départ d’un salarié privé.

En guise de digestif…

Et si, plutôt que de se jeter à la figure des anathèmes généralement fondés sur représentations stéréotypées que la réalité contredit à longueur d’études et de rapports, nous unissions nos efforts pour défendre ensemble un service public de qualité, capable de servir l’intérêt général et de lutter contre les inégalités. N’oubliez pas que le « fonctionnaire bashing » sert clairement les intérêts de ceux qui veulent substituer les principes de l’initiative privée et de la concurrence commerciale à ceux de l’action publique. Nous pouvons douter que cela soit au service du plus grand nombre, y compris de nos propres intérêts !

Dans un monde où la précarité ne cesse de se développer, où les inégalités ne cessent de croître, où de plus en plus nombreux sont celles et ceux qui ne parviennent plus à se nourrir, se loger, se soigner… chacune et chacun pourrait avoir à regretter, dans un avenir qui nous épargnera de moins en moins, à avoir contribué à décrédibiliser les services publics.

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