Le Parisien vient de consacrer une double page[1] aux écoles Espérance Banlieue.
Le titre et le chapeau de l’article laissent entendre un bilan mitigé fondé sur une « opinion partagée »… Mais au lieu d’un article où une enquête journalistique chercherait à questionner les propos des uns et des autres et à en examiner la véracité, on se contente de juxtaposer un discours d’autosatisfaction d’Espérance banlieues et quelques éléments de contradiction. Curieuse conception d’un journalisme où la coexistence des expressions donne l’illusion d’une démocratie des opinions sans que le moindre travail d’enquête soit jugé nécessaire…
A en croire ses responsables, Espérance banlieues réussit un miracle exceptionnel. Les chiffres qu’ils annoncent, s’ils s’avéraient, témoigneraient d’un événement dans l’histoire mondiale de l’éducation, l’invention d’un modèle d’enseignement qui permet d’assurer un niveau exceptionnel de réussite, très largement supérieur à la moyenne des écoles françaises. Face à une situation tellement extraordinaire, on aurait pu s’attendre à ce que Le Parisien engage une enquête approfondie, qu’il parte à la recherche des publications officielles de l’association qui viendraient accréditer de tels résultats… Si le Parisien avait engagé ce travail, il aurait rapidement découvert qu’il n’y a rien d’autre que les affirmations de ceux qui sont parties liées. Ils ont donc, d’évidence, tout intérêt à valoriser leurs écoles… quitte à présenter la réalité sous un jour qui s’inscrit dans le seul champ de la stratégie de publicité ou de propagande. Le Parisien se serait alors aperçu qu’il risquait fort de publier une sorte de « publi-reportage » qui prend la forme d’un article de journalisme pour vanter un produit. Mais en fait cela ne semble pas bien le gêner puisqu’il choisit de renforcer cela avec les affirmations mises en valeur par une typographie rouge et de taille supérieure : « le niveau est plus haut ici. », « 98% des parents satisfaits ». Nous sommes du côté des inventeurs du moteur à l’eau et de la plante miracle qui guérit toute forme de cancer en quelques semaines.
Pour beaucoup des lecteurs du Parisien, un tel article ne fera que contribuer à renforcer une certaine vision idéologique de l’école : celle qui voudrait nous faire croire que le salut du drapeau et le discours d’autorité suffiraient à produire la réussite scolaire des élèves.
Pour quelques-uns, parents d’élèves en difficulté … cela suscitera peut-être une espérance voire une décision d’inscription. Ils ne sauront pas alors que la réalité risque fort de ne pas être à la hauteur des promesses annoncées de réussite exceptionnelle. Lorsque les élèves des écoles Espérance banlieues quittent leur école pour rejoindre le collège ou le lycée, nombreux sont ceux dont les niveaux scolaires sont très en deçà des niveaux attendus… Des témoignages de professeurs parlent d’un « niveau très faible » et de lacunes importantes[2]. Manifestement le miracle n’est que dans le discours !
Pour ces parents-là et leurs enfants, les discours de louange tenus à propos d’Espérance banlieues prendront un goût bien amer, celui du charlatanisme et des promesses vaines.
Et ces promesses vaines se seront nourries des subsides d’entreprises qui les soutiendront dans les perspectives de défiscalisations avantageuses, réduisant les recettes de l’État et privant de ce fait les écoles publiques de banlieue de moyens qui leur feront cruellement défaut.
Voir aussi…
https://blogs.mediapart.fr/paul-devin/blog/020417/esperance-banlieues-ecoles-de-l-endoctrinement
[1] Parisien, 20 octobre 2021, cahier « Le Grand Parisien » VI-VII
[2] https://www.cahiers-pedagogiques.com/esperance-banlieues-derriere-la-vitrine-mediatique/