Un rapport d’informations de l’Assemblée nationale fait le bilan de la scolarisation obligatoire à 3 ans voulue par la loi Blanquer (loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance).
L’exposé des motifs de la loi considérait que cette obligation scolaire permettrait une acquisition précoce des savoirs fondamentaux qui garantirait l’égalité notamment par ses effets sur l’acquisition de la langue et plus globalement en déplaçant les apprentissages pour les installer plus précocement dans le parcours scolaire de l’élève. La loi a-t-elle permis cette ambition ?
Augmenter la scolarisation ?
En réalité, vu le taux très élevé de scolarisation des 3 ans avant la loi, l’impact de l’obligation s’avère « très limité, voire nul ». La légère augmentation constatée à la rentrée 2019 a disparu, le taux étant revenu en 2020 à son niveau d’avant la loi (96,6%).
À Mayotte et en Guyane, où l’enjeu était majeur du fait d’une faible scolarisation en maternelle, les progrès sont loin des effets annoncés.
À Mayotte, la scolarisation des élèves de maternelle atteignait seulement 79% contre 98,9% en moyenne nationale et pour les 3 ans, 72% contre 97%. La loi de 2019 n’a pas permis une évolution de cette situation du fait d’un nombre insuffisant de places en classe pour accueillir les élèves. Le recteur de Mayotte, interrogé par la commission, évoque la nécessité de créer 1200 salles de classe supplémentaires.
En Guyane, les chiffres de non-scolarisation restent incertains, mais si une amélioration de la situation pour l’école maternelle peut être constatée, elle s’était engagée avant la loi de 2019 et est due à la croissance du nombre de classes.
Le bilan de la loi Blanquer sur la scolarisation des 3 ans est donc insignifiant.
Une meilleure assiduité ?
Le projet de loi voulait combattre « l’assiduité irrégulière des élèves durant la journée ». Mais encore aurait-il fallu distinguer ce qui produisait cette irrégularité. Pour beaucoup d’enfants, elle correspondait à la nécessité d’une progressivité de leur temps scolaire. Aucune étude ne vient attester que la fréquentation à temps plein dès la rentrée, pour un enfant de 3 ans, puisse constituer un facteur favorable à sa meilleure réussite. D’autant que les conditions d’accueil, pour la sieste de l’après-midi par exemple, sont loin de disposer partout de moyens suffisants et qu'on peut s'interroger sur le bénéfice réel de l'augmentation du temps scolaire si les conditions ne sont pas réunies pour que l'élève puisse en bénéficier.
Là encore on peut douter d'un effet réel sur la réussite des élèves.
« Un cadeau à l’école privée »
La scolarisation obligatoire à trois ans comporte des obligations nouvelles en matière de financement : désormais les dépenses de fonctionnement des classes maternelles des écoles privées doivent être obligatoirement assurées par les communes. Une compensation de l’État est prévue mais le rapport montre la complexité de son attribution.
Néanmoins, un des effets majeurs de la loi Blanquer aura été d’élargir le financement de l’enseignement privé. Le peu de transparence de cette mesure n’a pas permis aux rapporteurs d’en mesurer le coût.
Quel bilan ?
En résumé, la scolarité obligatoire à 3 ans n’a pas d’effet sur la démocratisation de la réussite scolaire, mais a permis d’augmenter le financement public de l’école privée. Le bilan dressé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale était parfaitement prévisible et la majorité des analyses syndicales avaient exprimé ce risque dès le projet de loi.