Après avoir nié l’existence d’AESH privées intervenant au sein des écoles, le ministère a fini par concéder qu’il existait quelques situations rares. Mais désormais, ce sont les associations qui annoncent, haut et fort, disposer d’un agrément pour mettre à disposition des familles des AESH privées pour soutenir les enfants à besoins spécifiques au sein des classes…
Évidemment, il n’est pas question de blâmer les familles qui, inquiétes de l’incurie des moyens attribués, cherchent désespérément une solution d’accompagnement pour leur enfant. Pas plus qu’il ne s’agit de critiquer les AESH qui trouveront dans ces contrats privés une rémunération plus digne que celle produite par un salaire très faible et une limitation contrainte de la durée de travail.
Par contre, parlons de ce qui va être produit par une telle décision.
Un cercle vicieux d’inégalités
Tout d’abord et de toute évidence, une rupture d’égalité puisque les familles qui disposeront des moyens financiers qui le permettent pourront disposer d’une ressource d’accompagnement qui manquera a bien d’autres.
Accepter cela c’est accepter de rompre avec un principe fondamental de l’école publique : celui de l'égalité de traitement.
Ensuite, en offrant des salaires supérieurs, notamment parce que le temps de travail cumulera accompagnement en temps scolaire et hors temps scolaire, ces emplois privés vont entrer en concurrence avec les emplois publics. D’autant qu’ils offriront un travail d’accompagnement auprès d’un seul enfant face aux morcellements des emplois du temps produits par la mutualisation dans les PIAL.
On voit bien comment dans ce contexte concurrentiel, les emplois privés "siphonneront" les AESH les plus diplômées et les plus expérimentées.
De plus, elles pourront bénéficier de formations, financées par les parents, dans des cadres que les associations ont déjà prévus.
À l’inégalité de base, s’ajouteront toutes celles produites par la mise en concurrence. Elles seront plus vives encore sur les territoires déficitaires qui se trouvent aussi être marqués par une composition sociologique où dominent les milieux populaires.
Et que se passera-t-il quand des familles jugeront une aide nécessaire et seront capables de la financer sans compensation? Acceptera-t-on des aides pour des enfants sans reconnaissance de handicap?
C’est un cercle vicieux d’inégalités qui s’installe...
Autres risques au quotidien de la classe ...
L’AESH privée en classe publique pose un autre problème. D’un point de vue légal, l’AESH privée travaillera sous l’autorité de son employeur dont elle recevra des directives et des ordres. Ce sont les parents, qui du fait du lien de subordination, seront légitimes à contrôler l’exécution du travail. Comment cela va s’organiser avec le fonctionnement collectif de la classe, avec la responsabilité professionnelle de l'enseignante?
Que se passera-t-il quand une demande parentale s’avérera incompatible avec l’organisation de la classe? L’AESH devra-t-elle assumer les folies d’une double contrainte? Ne conduira-t-elle pas un fonctionnement en duo AESH/élève risquant de se déconnecter progressivement de la vie sociale de la classe?
Et que se passera-t-il si une AESH privée posait problème vis à vis d’autres élèves ? Si elle enfreignait les obligations de neutralité, de laïcité ?
En fermant les yeux sur l’installation d’une pratique puis en finissant par l’accepter, le ministère fait preuve d’une grande légèreté qui dégradera à nouveau les conditions de travail des enseignants déjà bien éprouvées.
Une minorité d’élèves privilégiés y trouvera sans doute son compte. Aux mépris des autres, enfants handicapés vivant en familles de milieu populaire ou de classe moyenne.
Une telle rupture d’égalité est inacceptable.
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Voir aussi un précédent billet en MARS 2022
https://blogs.mediapart.fr/paul-devin/blog/250322/vers-une-privatisation-des-aesh-au-profit-exclusif-des-familles-les-plus-aisees