Le décret n° 2020-811 du 29 juin 2020 devait, en principe, lever les obstacles liés aux refus de scolarisation…
Désormais la simplification administrative des documents nécessaires à l’inscription devait permettre de faire cesser toute résistance des maires à l’inscription d’un enfant : le décret autorisait que les attestations demandées puissent se limiter à une attestation sur l’honneur, inscrivant dans la réglementation ce qui constituait depuis plusieurs années une recommandation des successifs Défenseurs des droits. Finies donc, en principe, les aberrantes situations où l’inscription de l’enfant était soumise à une justification de domicile par une facture officielle qui ne pouvait évidemment jamais être fournie en squat ou bidonville!
La loi rappelait déjà, depuis janvier 2017[1], que « le statut ou le mode d'habitat des familles installées sur le territoire de la commune ne [pouvait] être une cause de refus d'inscription d'un enfant soumis à l'obligation scolaire. ». La formulation est désormais encore plus explicite et intégrée à la partie réglementaire du Code de l’Education[2].
Les discriminations perdurent
Pourtant, la réalité est loin d’être venue à bout des discriminations. Le 15 décembre 2021, la Défenseure des droits protestait à nouveau contre la persistance de discriminations à l’égard des enfants roms[3] et les témoignages ne manquent pas qui font état d’enfants migrants, réfugiés, vivant en squats ou bidonvilles qui continuent de se voir opposer des motifs illégaux de refus d’inscription[4]. Et sur certains territoires, comme en Guyane ou à Mayotte, ce sont des raisons structurelles qui laissent des milliers d’enfants hors de l’école[5].
Responsabilités conjointes des maires et de l'Education nationale
A l’école élémentaire, les refus administratifs des mairies constituent une des raisons essentielles de la non scolarisation.
Cela ne suffit pas à écarter les responsabilités propres de l'Education nationale. L’attitude de son administration est très irrégulière suivant les académies et départements. Y compris parfois parce qu'elle soutient implicitement les décisions illégales des maires. Par exemple quand des interventions hiérarchiques viennent interdire aux directrices et directeurs d'école l’admission provisoire des élèves dans l’attente de la résolution des problèmes administratifs. Cette admission provisoire est pourtant clairement prévue par le règlement type des écoles[6] qui précise explicitement que faute de la présentation de l'un ou de plusieurs des documents requis , le directeur d'école procède pour les enfants soumis à l'obligation scolaire à une admission provisoire de l'enfant. On pourrait par ailleurs considérer que, vu sa mission de contrôler l’effectivité de l’obligation de scolarité, l’administration devrait engager des démarches systématiques auprès des préfectures et des tribunaux. D’ailleurs la loi du 10 septembre 2018 avait introduit dans le code de l’Education[7] une formule qui permettait au DASEN d’agir : « En cas de refus d'inscription de la part du maire, le directeur académique des services de l'éducation nationale peut [...] solliciter l'intervention du préfet qui, conformément à l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales, est habilité à procéder à une inscription définitive. ».
Cette affirmation légale incitant les DASEN à lutter contre l'illégalité des maires a disparu avec la loi Blanquer[8] !!
Que nous disposions désormais d’un texte administratif explicite avec le décret 2020-811 est un progrès mais quand connaîtrons-nous un discours sans ambiguïté de l’institution qui, affirmant le droit absolu de tous les enfants à la scolarisation, demandera à l’ensemble des agents de l’Education nationale, à tous les échelons hiérarchiques, d’agir à son échelle pour en garantir la réalité?
Hélas, trop souvent une hypocrisie insupportable des discours affirme le droit absolu à la scolarisation sans que rien ne soit agi pour en permettre l’efficience réelle.
[1] Code de l’éducation, L.131-5
[2] Code de l’éducation, D.131-3-1
[3] Communiqué de presse du 15 décembre 2021
[4] Par exemple : La Croix 3/12/2021, Libération 26/10/2020, La Dépêche 18/06/2021, ...
[5] Rapport UNICEF France, juillet 2021
[6] circulaire 2014-088 du 9-7-2014, article 1.1.1
[7] Code de l’éducation, L.131-5
[8] Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance