Les analyses de la DEPP montrent d’abord et essentiellement la stabilité générale des résultats. Certes quelques items enregistrent de légères progressions, d’autres quelques régressions mais pour l’essentiel, ils sont stables. Quant à la réduction des écarts avec l’éducation prioritaire et tout particulièrement avec les REP+, elle offre sur certains items quelques progrès signifiants dont il reste cependant difficile de faire la part des effets de retour à la normale après période épidémique et d'un progrès d’une autre nature dont on pourrait envisager la pérennité.
Cette relativisation est d’autant plus nécessaire que nombre des progrès des élèves témoignent de l’intensité des exercices d’entraînement mais sont loin d’être signifiants d’une appropriation de l’écrit ou d’une réelle capacité à comprendre des textes lus. D’ailleurs souvent les meilleurs progrès concernent des items techniques (par exemple pour les progrès CP : manipuler des phonèmes et connaître le nom des lettres et le son qu’elles produisent) qui n'engagent pas de certitudes dans les progrès de compréhension.
En résumé, nous sommes loin des promesses de Jean-Michel Blanquer qui annonçait que les choix méthodologiques qu’il prônait allaient amener à un CP 100% réussite.
Dans le communiqué de presse du ministère, la faible et irrégulière réduction des écarts avec l’éducation prioritaire est nommée « percée des REP+ » comme si elle augurait une transformation profonde capable de réduire les inégalités. Et Edouard Geffray, directeur de l’enseignement scolaire de déclarer[1] : « Jamais les élèves de CP, CE1 et sixième en zone d’éducation prioritaire renforcée (REP+) n’ont eu un niveau aussi proche des élèves hors éducation prioritaire »… L’habile formule laisse croire à un tel progrès qu’on pourrait imaginer une rupture fondamentale ... Mais si l'écart s'est réduit, c'est une avancée micrométrique ...
Et chacun d’y aller de l’expression d’une stagnation ou d’un progrès en fonction de ses envies de célébrer ou de critiquer la politique en cours. Disons-le, les résultats de ces évaluations ne permettent aucune mesure objective des effets de la politique engagée sinon de constater que le miracle promis n’est toujours pas au rendez-vous, quand bien même certains s’évertueraient à défendre des résultats "globalement positifs[2]"
Après avoir rassuré sur les bons résultats de CP-CE1, l’institution semble plus critique sur les évaluations en 6ème dont le ministre lui-même évoque les résultats avec inquiétude. C’est que là, les nécessités rhétoriques ne sont pas les mêmes puisqu’il s’agit de préparer le terrain à la réforme du collège annoncée qui a besoin d'un constat alarmiste pour développer son argumentation de nécessité.
Chaque jour, se confirme un peu plus l’usage proprement stratégique des évaluations nationales, argument de discours à la disposition des volontés ministérielles et gouvernementales. Toujours à la recherche d’une formule maline et habile. Pendant ce temps, les enseignants ne cessent de déplorer que ces évaluations aient entraîné de multiples pressions conduisant à privilégier des enseignements dont la « rentabilité politique » est bien loin de se focaliser sur les besoins réels des élèves pour s’approprier la culture de l’écrit.
Rendez-vous dans quelques années quand il s’agira de mesurer les effets réels d’enseignements tellement exclusivement centrés sur les apprentissages techniques permettant de bons résultats aux évaluations que la question essentielle de l’acculturation des élèves aux usages sociaux et culturels de l’écrit est désormais portion congrue.
[1] France Info, 25/11/2022
[2] Twit de Marie-Estelle Pech (Le Figaro)