La crise démographique, pour ce qui concerne les généralistes, n’a pas vraiment débuté même si elle est déjà un sujet de préoccupation des patients, des médias et des politiques, mais pas encore, visiblement des pouvoirs publics et de l’Assurance-Maladie. Il n’y a pas encore eu de diminution notable du nombre des généralistes en France alors que l’on peut estimer la baisse entre 15 et 25 % dans 10 ou 15 ans.
Ce qui a débuté, c’est une crise sociologique, un changement de vision du travail qui touche tous les secteurs mais avec un impact plus net dans une profession « sacerdotale » où le médecin ne comptait pas son temps.
Pourquoi donc un jour quitter un métier qui vu de l’extérieur est considéré comme un métier intéressant, bien payé, indépendant? Pourquoi les jeunes généralistes, formés de mieux en mieux et de plus en plus nombreux ne viennent-ils que chichement remplacer leurs aînés qui partent à la retraite, quand ils attendent cette retraite. La question se complique encore quand on sait que les médecins généralistes qui ont « dévissé leur plaque » portent un regard positif sur leur ancien métier tout en disant qu’ils n’y reviendront pas.
A titre personnel, j’ai cessé mon activité de médecin généraliste dans la cinquantaine alors que j’étais maitre de conférences à le Faculté de médecine de Rennes et directeur du département de médecine générale de cette faculté. Mon parcours m’a amené au bureau du réseau SIDA Ville-Hôpital, à créer une association pour la prise en charge des soins palliatifs à domicile, à diriger une association régionale de formation continue. J’interviens au centre d’IVG du CHR et j’ai eu l’occasion d’exercer en remplacement le rôle de médecin coordonnateur en HAD (Hôpital à Domicile). Mon engagement syndical m’a amené à être délégué régional du syndicat MG France et président de la section généraliste de l’Union Régional des Médecins Libéraux de Bretagne.
En dehors de ces particularités, je suis comme de nombreux généralistes qui après vingt ans d’activité tirent leur révérence, et ceux, bien plus nombreux, qui n’osent franchir le pas. Ce parcours me donne une vision assez globale de la situation pour penser que, dans la décennie qui me reste au travail, la situation va continuer à s’aggraver dans le domaine de la médecine générale en France, même si le pire n’est jamais certain.
Cette situation pourrait être simplement celle d’un métier en perte de vitesse mais il existe des équilibres dans les systèmes de soins et cette évolution professionnelle correspond une absence de régulation du système de santé, avec en corollaire, une absence de maitrise des coûts de la santé.
En 1978, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) définit les soins de santé primaires à la conférence d’Alma Ata : « Les soins de santé primaires sont des soins de santé essentiels rendus universellement accessibles aux individus et aux familles au sein de leur communauté par des moyens acceptables pour eux et à un coût que les communautés et le pays puissent assumer.Ils font partie intégrante tant du système de santé national, dont ils sont la cheville ouvrière, que du développement économique et social d’ensemble de la communauté.Ils sont le premier niveau de contact des individus, de la famille et de la communauté avec le système national de santé, rapprochant le plus possible les soins de santé des lieux où les gens vivent et travaillent, et ils constituent le premier élément d’un processus ininterrompu de protection sanitaire ».
Comme l’analyse par ailleurs l’OMS, cette dégradation des soins primaires va avec une perte des repères de solidarité dans l’accès aux soins. Il n’est pas exclus que ce soit pour certains le but de la manœuvre.