Ce début d’année 2020, avec les indiscrétions – promotionnelles ??? – autour de la sortie d’un livre, - (ouïe ! ouïe ! ouïe ! , je risque d’être cloué au pilori illico et de me faire taxer d’antiféminisme primaire) -, nous assistons aux « révélations » sur la pédophilie pourtant largement et médiatiquement assumée, revendiquée même, d’un personnage du milieu culturel, longtemps bien en cour dans les «cercles étroits des milieux autorisés », mais néanmoins particulièrement suffisant, toujours boursoufflé de fatuité précieuse et d’arrogance de classe, depuis toujours.
Le livre, celui de Vanessa Springora, « Le consentement ».
Le pervers, Gabriel Matzneff.
Après les révélations courageuses et déterminées d’Adèle Haenel, pour le cinéma, voici un des membres du milieu des écrivains mis en cause. Enfin, le milieu des écrivains dis-je … pas n’importe lequel de milieu, un milieu plutôt élitiste et de l’entre - soi.
Dire qu’il a fallu près de quarante ans pour que ces affaires d’abus sortent, alors qu’à la différence des mêmes abus dans le milieu de l’église, elles étaient largement connues, voire même médiatiquement mises en scène comme le rappel de la fameuse émission culte et très appréciée, « Apostrophes », vient opportunément faire un retour et montrer à quel point cela faisait même rire les invités et ne donner lieu à aucun haut le cœur, ni attaque en règle.
Alors que nous en dit-on de cette émission par exemple, que « finalement c’était l’époque ». Les incestes, les violences faites aux enfants étaient « acceptés » si ce n’est assumés, voire même encouragés.
L’époque … quelle époque ?
Je m’attendais alors qu’avec cette affaire des aventures perverses, « amoureuses et narcissiques », la sempiternelle obsession des ravages de 68 allaient de nouveau être relancées, par de bons représentants de la droite libérale et moraliste, les militants flirtant avec l’extrême droite, tels les mouvements soutenant « la manif pour tous », ou les néoréacs ayant viré leur cuti de leur post-adolescence gauchiste.
Eh bien non, c’est … pour l’instant, mezzo voce.
L’attaque de 68, les affreux événements qui furent le creuset « du tout fout l’camp, de la régression culturelle, et de perte de nos bons repères », responsables de toutes les turpitudes politiques et de tout ce qui va mal dans la société, dans l’école, et même dans la psychiatrie, cette attaque de la « pensée 68 » comme un ministre de l’éducation et … philosophe l’a claironné, repris par un ancien président forcené du sécuritaire et de la reprise en main du social.
Et bien, non l’attaque récurrente de 68 n’a pas - encore ? - eu lieu.
Serait-ce parce qu’un des bons soutiens du Matzneff au grand cœur, fut l’écrivain de droite assumé et libéral, le paon bourgeois au teint toujours halé et tout autant ultra-narcissique que fut Jean d’Ô…rmesson ?
20/20, l’année commence bien.
Car, comme on dit « La vérité sort de la bouche des -anciens- enfants»!
Et l’on entend enfin d’abord causer des vertus de la psychanalyse, une de ses fonctions, la libération de la parole et l’émancipation vis à vis de sa propre histoire, n’en déplaise à la députée et psychiatre à la petite semaine (c’est elle-même qui l’a dit !) Martine Wonner qui acquis une petite notoriété grâce à son adhésion au macronisme, et à tous ces détracteurs inconditionnels, aveuglés par leurs déceptions analytiques et/ou leur haine de la pensée et de la parole libre.
Un des éléments qui caractérise le pervers, un parmi les traits essentiels, est l’absence totale de culpabilité face à sa cruauté, à son emprise, à ses excès de faire souffrir l’autre. C’est ce que l’on apprend lorsque l’on étudie la psychiatrie et la psychopathologie. Enfin, devrais-je dire plutôt, « on étudiait » ; car désormais avec l’obligation de choisir « les méthodes scientifiques » d’abandonner toute séméiologie, tout apprentissage des signes cliniques psychopathologiques grâce au DSM si simple et si commode, qui justement n’apprend pas à penser mais à coder…
La tribune dans le Monde de Sylvie Brunel[1] soulève des questions collectives et sociétales. « Non l’époque n’était pas permissive ou complaisante ! »
« Ne croyez pas que l’époque était libertine ou tolérante. Cette complaisance ne reflétait absolument pas les mœurs de l’époque. La France profonde n’en pensait pas moins, mais n’avait pas voix au chapitre. La coupure entre une élite hors sol, totalement déconnectée des réalités quotidiennes et des valeurs de la société, qui est apparue clairement avec la crise dite des « gilets jaunes », a été un des moteurs des révolutions sociales françaises. »
Alors que les chantres d’un certain 68, en ont surtout profité pour leur notoriété médiatique d’anciens combattants et leur narcissisme exacerbé, j’écris « ceux » car si on y regarde bien, ce sont tous des «mecs», les Cohn-Bendit, les Goupil, les Sollers, les Finkielkraut, et aujourd’hui le Matzneff qui lui d’ailleurs en a profité beaucoup plus pour son propre compte !
Ceux-ci sont bien loin des Deleuze, Guattari et autres Linhart, Barbara Cassin, Jacques Rancière, Antoinette Fouque, Véronique Nahoum-Grappe, Badiou et des centaines d’autres.
Mais passé les premiers encensements de la psychanalyse dans ce qui a permis la révélation du vécu des violence de Vanessa Springaro, voici que depuis quelques jours, de nouveau la ritournelle anti-psychanalyse revient. (La, la, la, mine de rien, la voi-là qui re-vient, la chan-son-net-te…).
La psychanalyse permissive bien sûr et tolérante de tout, avide d’argent et de mauvaise foi résolument a-scientifique.
Alors voilà on profite de l’histoire de Gabriel Matzneff, enfin je veux dire les acharnés anti-psychanalyse profitent allègrement de cette affaire révélée par le livre de Vanessa Springora, pour une nouvelle fois, remettre le couvert contre la psychanalyse. Avec la mise en cause de Dolto dans un détournement dans le plus style des procédés staliniens ou fascistes
Voilà que jusqu’à présent Françoise Dolto qui était « la bonne maman » qui avait apporté beaucoup d’informations sur les ondes de France – Inter, dans les années 1975-76, presqu’un demi-siècle, qui répondait aux interrogations des parents, surtout des mères, mais aussi aux questionnements des jeunes, à propos de l’éducation de leurs enfants, les difficultés qu’ils ou elles repéraient chez leurs enfants, leurs bébés, les difficultés et troubles dans lequel certains jeunes se débattaient.
Elle avait été jusque là épargnée de toutes les attaques.
Or la voilà, grâce à certains qui ont joyeusement tronqué ses propos, confondu allègrement processus inconscients et propos conscients, qu’elle est attaquée sur ce qu’elle aurait dit ou écrit il y a 30 ou 40 ans.
A l’occasion de la dénonciation des actes pédophiles de cet espèce de dandy se complaisant dans la narration narcissique de ses activités de dépucelage libérateur, camouflé derrière des pratiques manipulatrices de jeunes adolescentes et adolescents. Mais curieusement ces derniers, leurs souffrances et les ravages sur leur vie future sont laissés un peu de côté. Féminisme militant oblige ? C’est surtout à la violence faite aux filles que l’on s’intéresse le plus médiatiquement.
Alors ainsi sortent « sur les murs » des réseaux sociaux des « interviews » de Françoise Dolto. Le Canard Enchaîné s’y met aussi, lui pourtant on le savait plus judicieux, pertinent et corrosif à bon escient.
Claude Schauder [2], a interpellé le Canard :
« C’est un peu dommage que vous ayez jugé bon de « surfer sur la vague » de la condamnation unanime et légitime de Mr G. Matzneff en reprenant à votre compte ce vieux procès fait et refait à Dolto au sujet de certaines des phrases tirées d’une de ses interviews et qu’on retrouve dans « L'enfant, le juge et le psychanalyste », ouvrage paru en 1999 et qu’elle n’avait pas relu. (Elle était morte depuis 11 ans !).
Regroupées, tronquées et extraites de la sorte de leur contexte, les réponses qu’elle donne à certaines des questions posées peuvent sans doute prêter à confusion pour qui ignore qu’elles portent sur certains des processus psychiques et sur des désirs inconscients à l’œuvre chez l’enfant.
Laisser entendre que pour elle l’enfant est responsable de cette libido (dont elle a su parler et dont elle a permit qu’elle soit reconnue et respectée) relève d’un grave contre sens dont les conséquences peuvent être dramatiques.
Vous rappelez d’ailleurs à juste titre qu’en 1977 Dolto avait condamné avec la plus grande fermeté l’initiation sexuelle des enfants et des adolescents par les adultes et les traumatismes que ces actes entrainaient.
Qui connait son œuvre, ne serait-ce que superficiellement, sait ce que Dolto a pu apporter aux enfants d'hier et …d'aujourd'hui et combien étaient loin de ses pensées ce dont certains l’accusent ici ».
Comme l’a remarquablement écrit Yann Diener dans sa chronique dans Charlie daté du 7 janvier – date particulièrement douloureuse-, la psychanalyse est toujours attaquée et ce depuis son invention par Freud.
Enfin la psychanalyse….
Mais en fait, est-ce bien la psychanalyse qui est attaquée ? Ne serait-ce pas l’insupportable de l’inconscient, l’existence ou l’hypothèse de l’Inconscient, comme on dit dans les milieux autorisés.
C’est cela qui est insupportable, l’Inconscient.
D’ailleurs « curieusement », ce sont essentiellement toujours essentiellement des gens de droite, ou des associations thuriféraires des méthodes comportementalistes, de rééducation, de dressage quand on veut être méchant, ou les néo-réactionnaires narcissiques et adorateurs des rumeurs caricaturales, des adeptes des raccourcis tronqués, comme Michel Onfray par exemple, ou d’autres « universitaires » en mal de notoriété joyeusetés comme Van Rillaert.[3]
Pourtant, Françoise Dolto avait contribué à diffuser très largement une connaissance des processus infantiles pour le grand public, permis de faire prendre conscience le plus largement possible que le « bébé est une personne ».
Cela d’ailleurs lui avait valu de sévères et suspicieuses critiques de la part de certains psychanalystes qui s’insurgeaient contre cette « vulgarisation » insupportable de la théorie analytique.
Peut-être l’a-t-on oublié aujourd’hui… avec tout ce qui a été oublié, « refoulé », depuis cette belle époque d’il y a plus de 40 ans !
Comment cela se « faisse », comme disait Coluche - j’ai failli écrire « fesses », horrible signifiant politiquement incorrect, en faisant une horrible faute d’orthographe-, que ce soit les régimes dictatoriaux comme les nazis, comme les fascistes argentins pendant la dictature de Videla en Argentine, ou encore les staliniens qui déclaraient leur horreur de la psychanalyse science bourgeoise, qui se sont le plus acharnés contre les psychanalystes allant jusqu’à en exterminer un bon nombre ou les contraindre à l’exil.
Ce sont eux, qui ont été plutôt au bout de cette logique contre l’hypothèse de l’Inconscient.
Car en fait de quoi s’agit-il ? C’est par le biais du rejet de la psychanalyse, les dénonciations des psychanalystes « assoiffés » d’argent, ou coupables d’autres turpitudes que cette haine se déploie régulièrement.
Mais que masque cette haine de la psychanalyse ?
Ne s’agit-il pas surtout de la haine de la liberté de penser et de la pensée libre, autonome, individuelle ?
Car la volonté, le projet des persécuteurs des psychanalystes n’est-ce pas d’abord le projet du contrôle des individus ? Contrôler la pensée, contrôler les fantasmes, contrôler les désirs, contrôler les rêveries c’est-à-dire empêcher de penser et d’agir librement. Car alors ça dérange, ça perturbe. Le DSM 5 si apprécié des parents militants n’a-t-il pas inventé le trouble des enfants perturbateurs ??? Car il est vrai qu’un enfant, ça dérange, ça perturbe, surtout lorsqu’il ne parle pas ou qu’il manifeste un certain nombre d’étrangetés comme certains enfants dits autistes.
Ainsi donc, ne s’agirait-il pas camouflées par ces attaques contre l’a-scientificité de la psychanalyse, et pour la promotion combative des « techniques » scientifiques qui nous viennent d’ailleurs et surtout d’outre-Atlantique, ne s’agit –il pas de la peur, du refus, du déni de l’existence d’un Inconscient « dangereux »… mais aussi et d’abord dangereux pour soi-même, dans le refus de ses propres fantasmes inconscients, de ses propres désirs inconscients … de meurtre, de violence par exemple.
[1] Le Monde - 1 janv. 2020 – Sylvie Brunel : « Non, l’époque de Gabriel Matzneff n’était pas complaisante ! »
[2] Ancien professeur associé des Universités, psychologue clinicien, psychanalyste, membre de l’Appel des Appels, Président de l’Association Lire Dolto aujourd’hui.
[3] Le Figaro, sous la plume de Soline Roy 1er janvier 2020-01-14 qualifié de psychanalyste défroqué, professeur émérite de psychologie de l’université de Louvain http://sante.lefigaro.fr/article/sigmund-freud-grand-maitre-de-l-esbroufe/