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Billet de blog 15 février 2011

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Monarchie et logomachie

Je ne reprendrai pas la somme des critiques, au demeurant justifiées, auxquelles a donné lieu l'émission indigeste de Nicolas Sarkozy de l'autre soir sur TF 1 (« Paroles de Français »), mais, avec quelques jours de recul, je m'interroge. Comment se fait-il que l'on ait si peu souligné à quel point ce type de prestation dénote d'une dérive évidente de nos institutions ?

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Je ne reprendrai pas la somme des critiques, au demeurant justifiées, auxquelles a donné lieu l'émission indigeste de Nicolas Sarkozy de l'autre soir sur TF 1Paroles de Français »), mais, avec quelques jours de recul, je m'interroge. Comment se fait-il que l'on ait si peu souligné à quel point ce type de prestation dénote d'une dérive évidente de nos institutions ? Car c'est bien d'un fonctionnement quasi-monarchique qu'il s'agit ici: le monarque parle de tout et surtout de n'importe quoi, il a réponse à tout, il fait croire qu'il agit sur tous les sujets de la vie des Français, des plus graves aux plus futiles, des plus généraux aux plus particuliers. Et personne ne semble plus s'en étonner, tant cette attitude est en quelque sorte passée dans les mœurs !

L'étonnant est que le Président, fasciné par sa propre audace, semble finir par se convaincre lui -même de l'efficacité de son discours, de la pertinence de ses analyses, de l'efficacité de ses réponses. Peu lui importe les contradictions, peu lui importe les approximations de cette logomachie...Il sait que, dans le buzz médiatique, ce qui compte, c'est d'être vu et entendu, souvent et en parlant de tout. Un bruit couvre l'autre, une émission télévisée ou une déclaration soigneusement mise en scène fait oublier la précédente.

Si l'on veut sortir de cette hyper-présidence hyper-médiatisée, il va bien falloir se décider à poser les bases d'une réforme qui ramène d'abord les prérogatives du Président de la République aux fonctions normales qui devraient être les siennes dans une vraie démocratie. Est-il incongru de rappeler qu'il existe un Premier ministre, chef du gouvernement, dont le rôle effacé en dit long sur la réalité de ce régime ?

Il faudra aussi permettre aux instances de contrôle -en tout premier lieu, au Parlement- de réguler l'action de l'exécutif, faute de quoi la concentration du pouvoir dans les mains du président-monarque va devenir insupportable.

Combien de temps encore les Français accepteront-ils ce système, qui s'éloigne de plus en plus d'une véritable démocratie dans laquelle le peuple a son mot à dire ? Le climat actuel fait d'affaires, de scandales, de dysfonctionnements, de crispations, d'affrontements, sans parler de l'angoisse du lendemain que ressent un nombre élevé de nos concitoyens......tout cela devrait inciter ceux qui gouvernent la France à redonner la parole au peuple*.

Je sais, les élections nationales sont dans 15 mois. Je sais, le contexte n'a rien à voir avec celui des révolutions arabes, mais ce qui vient de se passer dans ces pays (et que personne n'avait prévu !) devrait faire réfléchir ceux qui s'obstinent, contre vents et marées, à exaspérer nos concitoyens avec cette façon autocratique de gérer les affaires de la France.

* Lire ou relire « 18 mois chrono », qui raconte comment la dissolution de l'Assemblée nationale peut redonner de la vigueur au débat politique.

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