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Billet de blog 6 mai 2025

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L’affligeante hostilité de M. Retailleau envers les étrangers !

J'en ai assez de cette hostilité envers les étrangers exprimée sans relâche à droite et à l’extrême-droite. Mais pourquoi avoir peur d'en débattre publiquement, non pas entre politiciens professionnels et autres journalistes complaisants, mais face à des français issus de l'immigration, des vrais, qui savent de quoi ils parlent ? Pourquoi les médias ont-ils peur d'organiser de tels débats ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quelle tristesse d’entendre M. Retailleau, ministre de notre République, passer son temps dans les médias à exprimer son hostilité obsessionnelle envers les étrangers, par exemple lorsqu’il qualifie les enfants d’immigrés vivant dans les « quartiers » de « français de papier », ou encore en estimant que « l’immigration n’est pas une chance pour la France, c’est même un fléau », reprenant ainsi à son compte l’expression rabâchée de longue date par Mme Le Pen. Lui qui se réclame de la morale chrétienne et ne se cache pas d’être un catholique pratiquant, a-t-il fait l’effort de lire les évangiles où l’étranger immigré, quoi que l’on pense de ces écrits et de cette religion, n’est jamais ni humilié ni maltraité, bien au contraire ?

J’en ai assez de ces extrémistes politiques qui, pour marquer leur triste et médiocre différence de pensée, ne trouvent rien d’autre à dire, pour espérer gagner, gagner et encore gagner leur élection, que ressasser la même rengaine - comme enregistrée sur un disque à sillon fermé -, une rengaine lancinante écrite et serinée depuis des lustres par les idéologues qui ont construit l’histoire du nationalisme et du mauvais populisme autour des thèmes de l’immigration, de l’immigré bouc-émissaire, du bouc-émissaire immigré, à nouveau de l’immigré bouc-émissaire, puis de l’immigration … et ainsi de suite jusqu’à plus soif, mais en éludant volontairement les raisons profondes qui obligent des personnes humaines maltraitées ou des populations martyrisées, privées de tout et abandonnées, à migrer au péril de leurs vies. Or, tous ces idéologues et leurs zélateurs, ces sans-cœurs qui encouragent la haine de l’étranger au nom de leur « préférence nationale » se trompent et trompent les gens : comme le soulignait le grand sociologue Zygmunt Bauman, « Dans le monde où nous vivons, il est possible de tenter de contrôler l'immigration (bien que sans grand succès), mais la migration, elle, est destinée à suivre son propre cours, quoi que nous fassions ».

                                                                 *

Alors, faute de parvenir à atteindre ses objectifs en matière d’OQTF et d’expulsions, M. Retailleau veut, ou plutôt exige que les étrangers présents en France s’intègrent au plus vite, en mode accéléré, si jamais leur venait l’idée de demander un jour leur naturalisation, mais sans rien faire pour faciliter cette greffe de l’intégration dont il ne semble pas avoir bien compris qu'elle se fait en tout premier lieu par le travail et dans le respect mutuel de la dignité de l'autre.

A l’évidence, il ne sait pas que cette greffe n’est pas simple à mettre en œuvre, en premier lieu pour franchir sans aide sérieuse la redoutable barrière de la langue : les donneuses et donneurs de leçons politiques qui aujourd’hui s’agitent sur ce point précis devraient essayer d’apprendre en quelques mois une langue étrangère qu’ils n’ont jamais pratiquée (je leur conseille par exemple le polonais avec ses 7 déclinaisons, ses 3 genres …) avant de débiter leurs discours approximatifs, souvent malveillants, sur l’intégration d’un étranger dans un pays découvert par nécessité ! Madame Le Pen, messieurs Bardella, Retailleau ou, s’ils n’en n’ont pas le courage, quelques-uns de leurs inconditionnels, devraient tenter l’expérience, pour voir, et nous en reparler après …

M. Retailleau ne sait pas non plus que l’immigré se retrouve souvent très seul, livré à lui-même, parfois entouré par des personnes compatissantes et par des collectivités publiques ou des associations de bénévoles qui font ce qu’elles peuvent pour l’accompagner, mais sans pouvoir toujours l’aider à lutter efficacement contre la xénophobie et le racisme, contre le mépris bureaucratique et l’absurde administratif, contre la menace du rejet, voire de l’exclusion et, pour les moins chanceux, de l’expulsion. L’étranger n’est pas vraiment libre de ses mouvements et dans sa parole. Toujours sur ses gardes, il n’a pas droit à l’erreur. Il n’a pas le droit de se plaindre. Pour obtenir le droit de s’installer et de travailler, il est tenu, même abandonné de tous, de s’intégrer dans un milieu qui lui paraît hostile en se résignant à subir fréquemment l’épreuve de l’humiliation.

                                                             *

M. Retailleau, qui se prévaut aussi de sa culture de l’histoire de France, a-t-il par exemple entendu parler du grand historien Fernand Braudel évoquant l'identité française par son rayonnement culturel lequel, disait-il (dans un entretien accordé en 1985 au quotidien Le Monde), émane notamment du « triomphe de la langue française, des habitudes françaises, des modes françaises, et, aussi, (de) la présence, dans ce carrefour que la France est en Europe, d'un nombre considérable d'étrangers. Il n'y a pas de civilisation française sans l'accession des étrangers : c'est comme ça» : c'est vrai, c'est comme ça, et tous ces étrangers ou qui l'ont été, ces gens venus d'ailleurs qui ont enrichi et continuent d'enrichir notre pays devenu pour beaucoup leur patrie méritent d’être un peu mieux respectés pour ce qu’ils y ont apporté et ce qu’ils continuent d’apporter.

Je suis fils d’immigrés et fier d’être devenu français, fier d’appartenir à ce pays auquel je suis profondément et définitivement attaché. Mais, encore une fois, j'en ai assez, comme tous les français issus de l'immigration, de cette hostilité obsessionnelle envers les étrangers exprimée à longueur de journées par M. Retailleau, Mme Le Pen, M. Bardella et tous ces politiciens et politiciennes de droite et d'extrême-droite qui ne peuvent supporter l’idée que ces étrangers immigrés sont indispensables au fonctionnement de l’économie de la France, à la vitalité de sa démographie, mais aussi à son rayonnement dans le monde, dans les domaines de la culture, des sciences ou encore du sport.

Alors, pourquoi ces ambitieux pour eux-mêmes plus que pour la France ont-ils peur d'en débattre publiquement, non pas superficiellement avec d’autres politiciens professionnels ou des journalistes complaisants, mais face à des français issus de l'immigration, des vrais, qui savent de quoi ils parlent, qui pourraient témoigner de leur vécu, des souffrances qu’ils ont endurées, de leur volonté d’aider la France de leur mieux pour qu’elle reste ce qu’elle est, de leur amour pour ce pays tel qu'il est ressenti par l’immense majorité d’entre elles et d’entre eux ?

Pourquoi les médias ont-ils peur d'organiser de tels débats? Redouteraient-ils de révéler à quel point les tenants du discours hostile aux étrangers dupent le peuple français qu’ils prétendent protéger ?

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