En matière économique, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de véritable débat avec Emmanuel Macron. L’idée qu’il a fixée à jamais dans son esprit et qui ne souffre d'aucune discussion est en effet celle d'orienter l'économie du pays dans le but ostensible de favoriser, en priorité et sous le regard bienveillant et intéressé de ces puissants lobbyistes qui l'entourent, le ruissellement de l'argent là où il ruisselle le plus naturellement, essentiellement sur les comptes d'une poignée de privilégiés que le bien-être des gens, le sort des pauvres, des précaires, et les menaces qui planent sur la planète laissent largement indifférents, en murmurant toutefois que quelques-uns d'entre eux seraient quand même bien inspirés s’ils avaient l'aimable bonté d'investir dans notre pays un peu de leurs dividendes pour permettre de créer quelques « emplois », ou plutôt des postes de travail, sans trop en supprimer.
Tout cela, il l’a dit et écrit dès le début de son précédent mandat, et expliqué comme il se doit à ses amis américains, d’ailleurs en anglais et pas en français.
Dans un entretien qu’il avait accordé au magazine économique Forbes dès le 1er mai 2018, il a en effet voulu rassurer le monde néo-libéral en jouant cartes sur table : « Ce que je propose comme changement de profondeur est d'expliquer au peuple français : la meilleure protection n'est pas de vous protéger contre le changement. Parce qu'il va arriver » a-t-il assuré, en ajoutant que « Beaucoup de gens expliquent aux citoyens français, « je vous protégerai contre les effets pervers d'Uber ou de Airbnb », mais ces entreprises sont là et les consommateurs français les adorent, même si elles mettent en péril beaucoup d'emplois… », pour conclure que « Je veux que mon pays soit ouvert à la disruption et à ces nouveaux modèles ». Voilà qui était clair !
Ces nouveaux modèles sont donc ceux qu’il avait et a toujours la volonté de copier-coller dans notre pays, à savoir « plus de flexibilité et d'accélération dans l'économie, une approche business-friendly (...). Le message que je veux envoyer aux investisseurs étrangers est que nous sommes en train de faire baisser l'impôt sur les sociétés, de simplifier tout, d'apporter plus de flexibilité au marché du travail, d'accélérer la transformation de l'économie française », une transformation fondée sur le principe de précarité dont on mesure désormais à quel point elle vire à la catastrophe économique et sociale. Mais Emmanuel Macron ne semble pas en avoir cure : faire plaisir à Uber, Amazon ou autres Airbnb apparaît plus important que de se préoccuper de la santé et du bien-être de celles et ceux qui tentent d’y travailler …
Alors, pour commencer, il lui fallait, en France, rassurer les plus riches en supprimant l’impôt sur les grandes fortunes. En réalité, il n’a pas tenu sa promesse de candidat de l’époque, car ce n’est pas exactement ce qu’il expliquait dès 2016 dans son livre « Révolution », à savoir qu'il souhaitait « une fiscalité qui récompense la prise de risque », une fiscalité qui ne pénalise pas, y compris par l'impôt sur la fortune, « ceux qui investissent dans les entreprises et dans l'innovation » : mais une récompense suppose forcément une contrepartie réelle et constatée. Or, en supprimant cet impôt au bénéfice des très fortunés sans vérifier l’existence de contreparties, c’est tout le contraire qui est mis en œuvre, un peu comme si, dans une compétition sportive, l'on vous récompensait de la médaille du vainqueur en vous exemptant de participer à la compétition !
Et force est quand même de constater que beaucoup trop de ces prétendus vainqueurs aujourd'hui félicités, admirés et récompensés (par des cadeaux fiscaux, mais également par une distribution généreuse de légions d’honneur …) sont ceux qui participent sans états d'âme à la destruction de l'économie réelle du pays. Comment, par exemple, est-il moralement et politiquement soutenable qu’un milliardaire à la tête du laboratoire pharmaceutique SANOFI puisse, en pleine crise sanitaire, être ainsi récompensé en supprimant 400 emplois de chercheurs (lire par exemple dans Ouest-France, « Sanofi. En pleine pandémie, les 400 suppressions d’emplois du groupe pharmaceutique ne passent pas », article de Julia Toussaint, 18 janvier 2021) outre, et en même temps, recevoir des mains de Président de la République en personne la médaille de commandeur de la légion d’honneur, pas moins ?
Mais que voulez-vous, l’important pour Emmanuel Macron et son fidèle entourage est que l’argent puisse convenablement ruisseler ! Et si, en plus, on peut démanteler notre tissu industriel au profit d’entreprises étrangères, c’est encore mieux : quelles belles performances économiques et sociales, en effet, que la disparition du pays d’Arcelor, Alcatel, Technip, Alsthom, Essilor, Lafarge ! Mais il est vrai que pour le même Emmanuel Macron, Uber, Airbnb ou encore Amazon ont l'incontournable avantage d'être "disruptifs", et c'est quand même autre chose que de perdre du temps à verser des larmes sur de vieux fleurons ...