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Billet de blog 20 avril 2022

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Voter pour une France constitutionnellement xénophobe et sous influence ? Jamais !

« La démocratie, c’est beaucoup plus que la pratique des élections et le gouvernement de la majorité : c’est un type de mœurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l’adversaire, c’est un code moral » (Pierre Mendès-France).

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Voter, dans le contexte de ce deuxième tour de l’élection présidentielle bien particulier, c’est aussi faire un choix moral, un choix qui consistera pour moi à rejeter ce qui me paraît moralement insoutenable dans le projet pour la France de Mme Le Pen, au moins sur deux points : l’installation en France d’un régime constitutionnellement xénophobe, et le risque de placer insidieusement notre pays sous l’influence pesante de la Russie de Vladimir Poutine.

Alors, et parce que je ne vois pas d’autre solution pour éviter à coup sûr une telle perspective, c’est la rage au cœur et la mort dans l’âme qu'après avoir au premier tour voté pour Jean-Luc Mélenchon, je glisserai dans l’urne, triste et désabusé, un bulletin au nom d’Emmanuel Macron dont on ne peut me reprocher d’avoir depuis de nombreux mois, dans mon blog, régulièrement critiqué l’action et fustigé le mépris qu’il a pour ces riens de français dont il réclame aujourd’hui les voix (notamment dans mon billet du 14 mars dernier intitulé « Élection présidentielle : le candidat Emmanuel Macron fuit le débat. Il a peur ! », un billet de synthèse dont je ne retranche pas la moindre virgule : mais ces réflexions resteront peut-être utiles dans le cadre de la campagne législative, ce moment où il devra s’expliquer sans fuir le débat démocratique, le vrai, pas celui qu'il décidera d'organiser à sa mesure).

                                                                                 *

S’agissant du premier point, je ne pourrai jamais choisir un candidat ou une candidate qui représente un courant de pensée xénophobe, par définition dépourvu d’humanité, qui inscrit de surcroît au cœur de son projet de gouvernement le rejet des étrangers au seul motif qu’ils sont étrangers et qui le clame en proposant d’inscrire dans la Constitution la « préférence nationale » ou la « priorité nationale » destinées notamment à priver de soins, de logement ou d’affamer ces mêmes étrangers, car ils sont étrangers, y compris s’ils se trouvent en situation parfaitement régulière, etc… etc… : non, la France ne mérite pas de n’être plus la France !

Non, je refuse que l’on supprime de la devise de la France, d’un trait rageur, le mot fraternité !

Je suis moi-même enfant d’immigrés et, jeune homme, j’ai été vivre et travailler deux années en Afrique, parce que je souhaitais mieux comprendre le sort d’autres étrangers, moins bien lotis que nous. J’en ai retenu que beaucoup trop nombreux et influents sont ceux qui en parlent avec suffisance à travers le prisme de leurs préjugés imprégnés de racisme, cette terrible maladie mentale qui atteint tant d'ignorants incapables de saisir le sens profond de l'idée de dignité de la personne humaine : ils ne comprennent pas qu'y porter atteinte n'est rien d'autre que lancer un regard de mépris sur cette personne, puis tenter de saisir son âme pour la jeter à terre et la piétiner, comme pour s'acharner à la faire disparaître. Mais c'est en vain : l'âme n'a pas de couleur, elle est insaisissable et de toute façon, même gravement blessée, elle ne meurt jamais.

Et qui s’en soucie aujourd’hui parmi les donneurs de leçons de morale ? Même les évêques de France ne réagissent pas, à l’exception notable de deux ou trois d’entre eux, à titre individuel. J’en suis déçu : ces évêques mais aussi, d’une manière générale, tous ces laïcs qui « savent tout » mais qui se taisent, doivent rapidement se secouer et au moins méditer cette pensée de Jacques Prévert qui écrivait fort justement que « Le racisme et la haine ne sont pas inscrits dans la liste des péchés capitaux : ce sont pourtant les pires » !

                                                                                   * 

S’agissant du second point, je suis inquiet, très inquiet à propos de la position de Mme Le Pen dans la relation qu’elle entend mettre en œuvre, si elle était élue, entre la France et la Russie de Vladimir Poutine.

Je ne suis pas un spécialiste des questions géostratégiques, mais je me pose celle de savoir si l’on a le droit de prendre le risque de voir la France mise au ban des nations, du jour au lendemain !

Mme Le Pen a en effet déclaré, il y a quelques jours de cela, qu’elle encouragera ou prônera un « rapprochement entre l’OTAN et la Russie », mais « dès que la guerre sera achevée » a-t-elle précisé.

Doit-on comprendre que, dans son esprit, cette guerre est en quelque sorte « justifiée » et doit se poursuivre pour qu’elle puisse s’achever, pour qu'il y ait un vainqueur et un vaincu. Et, dans ce cas, que cette guerre s’achève aujourd’hui ou plus tard, Mme Le Pen accepterait-elle l’idée d’une défaite de la Russie ? Tout ça est très ambigu et fait peur !

Mme Le Pen doit clairement nous dire, sans se borner à exprimer de vagues condamnations de circonstances électorales, ce qu’elle pense au fond des massacres ordonnés et perpétrés par M. Poutine en Ukraine, ce qu’elle pense de la volonté d’anéantissement du peuple ukrainien !

Cette question me paraît d’une importance cruciale pour l’avenir de la France : elle devra être sérieusement débattue avant le scrutin de dimanche, car les français sont en droit de savoir de quel côté se trouveraient ses alliés si elle était élue.

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