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Billet de blog 27 avril 2024

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Les français en ont marre de la politique !

Les citoyens en ont de plus en plus assez de supporter ces trop nombreux acteurs politiques aux égos insatiables qui se chamaillent dans les médias pour y seriner leur détermination de gagner, encore gagner et surtout gagner une élection, et pour surtout y promouvoir leurs qualités de leaders incontournables, seuls capables de sauver notre pays, notre République voire même la planète entière !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Être citoyen n’est plus chose simple !

Aujourd’hui, le monde va mal, la France est épuisée et l’offre politique, d’où qu’elle vienne, est si confuse et illusoire qu’elle désespère.

D’ailleurs, de plus en plus de français se détournent de la politique au point de s’interroger sérieusement sur l’utilité de voter : à quoi bon faire cet effort, en effet, puisqu’une fois le pouvoir conquis, celles et ceux qui gouvernent le pays oublient vite leurs promesses, manipulent la Constitution au profit du seul pouvoir exécutif et, de toute façon, ne prennent plus la peine d’écouter les gens, ni directement, ni auprès de leurs représentants au Parlement.

Et puis, être citoyen n’est plus chose simple dans notre pays.

Tenter de comprendre ce qui s’y passe n’est ni évident, ni rassurant. Et gare à ceux qui osent dire non, vite qualifiés de « terroristes »  et poursuivis comme tels s’ils s’écartent de la parole officielle, plus particulièrement s'ils s'intéressent de trop près à la cause écologique : manifester directement ou indirectement sa désapprobation ou son indignation, aujourd’hui en France, c’est en effet prendre de plus en plus de risques face à la violence d’un pouvoir exécutif parfois dépourvu de discernement et de sens de la mesure, à l’image de ce qui arrive déjà dans quelques autres pays peu regardants sur le respect plein et entier de la liberté d’opinion et d’expression, de la liberté d’aller et venir, de la liberté de manifester.

Être citoyen, c’est aussi trouver porte close pour transcrire son témoignage !

Qui plus est, il ne vient pratiquement pas à l’idée d’un média un tant soit peu ouvert d’inviter un « citoyen ordinaire » à débattre publiquement avec une personnalité politique, au moins sur ces points, et rarissimes sont les maisons d’édition qui se risquent à publier des témoignages ou des réflexions de ces citoyens-là, souvent jugés incultes, balourds, dépourvus d’intelligence critique et forcément inaptes à analyser ou proposer quoi que ce soit d’audible ou de lisible, comme s’ils n’étaient que des simples d’esprit juste bons à n’accomplir qu’un geste furtif : celui de glisser un bulletin de vote dans l’urne.

En revanche, le sort réservé aux interviews et publications des professionnels aguerris ou des débutants immatures de la politique, aussi creuses et insipides soient-elles, est tout autre dès lors qu’il s’agit de faire miroiter un reflet attirant de leurs egos et de graver dans les mémoires des électeurs les images rassurantes de sourires photogéniques destinés à séduire. Et puis, ça peut quand même … rapporter un peu d’écouler dans les kiosques, en librairies ou sur internet des discours qui « font intelligent » en mettant en relief, par-dessus tout, la détermination d’un ambitieux combattant politique « connu » à gagner, encore gagner et surtout gagner une élection pour parvenir au pouvoir et s’y maintenir par tous moyens, une détermination bien sûr assortie d’une profusion de promesses alléchantes, quitte à se contredire sans retenue ou à travestir la vérité, et en évitant de trop aborder les questions de fond ou celles qui visent le futur un peu lointain.

Les exemples ne manquent pas. Comment ne pas citer celui du ministre Bruno Le Maire qui, peu inspiré … ou peu enthousiaste pour répondre avec sérieux à notre désenchantement devant l’inquiétante évolution des courbes de l’économie française dont il a la charge au gouvernement n’avait pas, en revanche, ménagé sa peine dans l’écriture de sa dernière livraison romanesque, évidemment publiée sans difficulté par un éditeur de premier plan, pour y exhiber son enchantement en découvrant quelques courbures érotiques qu’il a tenu à dépeindre avec un soin bien appuyé.

Pris sans doute de remords face à de mauvais esprits étonnés de constater qu’un ministre aux lourdes responsabilités puisse consacrer un temps précieux à scribouiller des histoires aussi insipides, il vient de trouver sans plus de difficultés un nouvel éditeur ayant lui aussi pignon sur rue qui s’est empressé de publier un ouvrage à l’allure, cette fois, d’un monologue politicien éculé intitulé « La voie française » et non, plus modestement, « Une » voie française, quelque chose qui, pour l’essentiel, invite les français les moins favorisés par la vie et les plus épuisés par le travail à emprunter dans la souffrance un chemin impraticable tracé autour d’une citadelle imprenable, celle de Bercy, un chemin sans autre issue que celle qui débouche directement sur un nouveau lieu de tourments.

Et comment, pour prendre un autre exemple, ne pas envier  le jeune Jordan Bardella, âgé de seulement 28 ans, militant précoce mais prometteur pour l’extrême-droite, poussé dès son adolescence - il y a donc encore peu - à parader de ce côté couleur brunâtre de la scène publique et qui, sans autre expérience de la vie active et réelle que celle d’acteur politique débutant dans un genre tragi-comique inquiétant, est désormais président de la machine partisane de Mme Le Pen et, à ce titre, devenu un grand donneur de leçons sur tous les sujets, même ceux qu’il ne semble pas maitriser. D’ailleurs, c’est lui qui vient de déclarer sans rire, tel un jeune ambitieux décomplexé paraissant pourtant politiquement immature, être déjà prêt - tenez-vous bien - à devenir Premier ministre de la France, pas moins !

Et c’est lui aussi qui nous annonce la parution imminente chez un grand éditeur parisien désormais contrôlé, il est vrai, par M. Vincent Bolloré, d’un livre destiné peut-être à nous livrer le secret de son fulgurant succès, où il ne manquera sans doute pas de nous expliquer dans le détail le sens des deux idées fixes qui guident son parcours politique encore embryonnaire à savoir, d’une part, les raisons profondes pour lesquelles il exècre les immigrés forcément responsables, selon l’idéologie dont il se réclame, des maux qui gangrènent la société française, d’autre part, les motifs qui justifient son aversion contre les écologistes et leurs discours « punitifs » qu’il ne semble pas, cependant, avoir pris la peine d’écouter ou de lire attentivement.

Être citoyen, c’est s’obliger à supporter le mensonge et la confusion !

Tout ça est affligeant et, au fond, n’est pas très intéressant, mais il faut hélas convenir que de nos jours, ce qui importe plus que tout pour réussir à s’imposer en politique, c’est la maitrise de la communication ; et un métier qui compte pour aider un acteur politique à séduire des électeurs ou à détruire l’adversité est celui d’influenceur dans les médias, principalement sur les réseaux sociaux. Mais pour communiquer quoi ? Et dans quelles conditions ?

Lucide - et l’on sait à quel point il visait et prédisait juste -, Georges Orwell, , ce visionnaire inspiré découvert sur le tard, pourfendeur de la technocratie et du totalitarisme de « Big Brother », écrivait à la fin des années 1940, un peu goguenard, que « Le langage politique est destiné à rendre vraisemblable les mensonges, respectables les meurtres, et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent ». Voilà qui aujourd’hui ne sonne pas plus faux qu’hier …

Quant au débat contradictoire sur les ondes et les antennes - celui qui permet de faire un choix éclairé -, et hormis aux moments resserrés mais vite oubliés qui précèdent les scrutins, il est quasiment laissé à l’abandon au grand soulagement du petit monde des politiciennes et des politiciens où l’on raffole de papoter, conjuguer le verbe gagner sans se lasser, vociférer après le rival, insulter ou gesticuler publiquement en se regardant le nombril, mais de préférence protégé par l’entre-soi et devant une glace sans tain tenue d’une main ferme par tel ou telle journaliste de service : il faut dire qu’il y a déjà une bonne trentaine d’années, André Frossard - un grand journaliste et écrivain, comme l’était Orwell et comme on en trouve trop peu aujourd’hui - observait de son côté, désappointé, que « Tout l'art du dialogue politique consiste à parler tout seul à tour de rôle ».

Il est vrai que l’on peut se demander quel est désormais l’intérêt d’inviter des concurrents politiques à débattre entre eux sur les mérites comparés de leurs idées et de leurs projets. Un sociologue, Philippe Corcuff, constate en effet, fort justement, qu’il y a aujourd’hui un « brouillage des repères », phénomène qu’il appelle  « confusionnisme » et qui consiste notamment, dans les discours, à soutenir en même temps ceci et son opposé cela ou, plus subtilement, de défendre politiquement ceci tout en adoptant un comportement électoral conforme à cela et donc parfaitement incompatible avec ceci.

C’est d’ailleurs - ouvrons une courte parenthèse - un exercice courant pratiqué avec virtuosité par le Président Macron, exercice labellisé sous la fameuse expression « et en même temps ». Et c’est également une spécialité particulièrement appréciée par l’extrême-droite de Mme Le Pen et sa coterie : pour prendre un exemple parmi d’autres, elle ne cesse d’affirmer « être sensible à la cause des femmes » mais, en même temps, comme le rappelait, lors de la dernière campagne présidentielle, la Fondation des Femmes abritée par la Fondation de France, « A l’Assemblée nationale, comme au Parlement Européen, Marine Le Pen et les élus de son parti se sont opposés quasiment unanimement et systématiquement aux textes qui promeuvent l’égalité entre les femmes et les hommes, que ce soit pour l’égalité salariale, l’accès à la contraception, la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences de genre, ou la promotion de la parité … ». Après, comprenne qui pourra les raisons qui poussent de nombreuses femmes à voter en faveur de ce mouvement politique ostensiblement misogyne, dont il faut toutefois admettre qu’il maitrise le confusionnisme avec un réel brio   …

Être citoyen, c’est oser s’écrier à nouveau « Indignez-vous » !

Alors, nous autres citoyens, continuellement guidés par des médias timorés voire dévoyés, sans cesse orientés par des instituts producteurs de sondages parfois douteux, et habilement influencés, ou plutôt abêtis, par un cénacle d’éditorialistes ou de chroniqueurs impatients de délayer et ressasser leurs immuables verbiages destinés à façonner l’opinion, nous n’avons d’autre option que celle de lorgner le médiocre spectacle de ces scènes tragi-comiques, en trompe-l’œil, qui nous obligent à supporter en silence d’interminables ébats d’égos, à s'enivrer de mots sonnant creux ou d’invectives furieuses, le but à atteindre pour les scénaristes et leurs acteurs étant au final de nous convaincre de désigner comme vainqueur d’une élection celle ou celui qui aura le plus efficacement anéanti son adversaire.

Eh bien, il faut réagir ! Car une démocratie qui privilégie les monologues sans contradicteurs ou, au mieux, des dialogues de connivence entre bonimenteurs de la politique cajolés par des médias complaisants, sombre dans la somnolence et perd vite les attributs qui lui permettent de rester vivante. C’est pourquoi le citoyen ne doit pas accepter d’être privé de la possibilité de témoigner, d'exprimer une opinion perceptible, de dénoncer les mensonges du pouvoir, de protester contre l’injustice sous toutes ses formes et personne, pas même un Président de la République, dût-il s’appeler Emmanuel Macron, n’est en droit de s'acharner à maintenir ce citoyen en état de coma politique forcé lui interdisant de donner des signes de vie sociale, qu’il soit ou non revêtu de jaune, qu’il soit militant syndical ou écologiste, ou simplement citoyen normal conscient de sa place, de ses droits et de son rôle dans la société.  

Aussi, les acteurs politiques de tous bords doivent impérativement prendre conscience que les frétillements de leurs accès de vanité ne sont plus d’aucune utilité et ne font qu’aggraver les lourdes peines et les souffrances de plus en plus intenables actuellement infligées au peuple, et surtout aux plus pauvres, aux plus vulnérables, mais aussi aux indignés qui osent se révolter contre la bêtise, l’hypocrisie ou l’injustice. Ils doivent comprendre que les gens en ont assez de les entendre consacrer une part toujours plus prépondérante de leurs efforts à tortiller leurs egos dans les médias pour s’y chamailler en s’époumonant à nous seriner, la main sur le cœur, jour après jour, et le plus sérieusement du monde, leurs qualités de leaders incontournables ou, le cas échéant, les noms de ceux d’entre eux qui seront forcément « les meilleurs » candidats et « les sauveurs » de notre pays, de notre République, de notre démocratie, voire même de la planète entière.

Il y a donc urgence à faire disparaître le scénario et la mise en scène de cette grotesque tragi-comédie du pouvoir : notre planète Terre se consume à vue d’œil dans l’insouciance quasi générale et, en France, les assises de la République qui nous invite pourtant à respecter sans concession les droits et la dignité de la personne humaine, commencent à se fissurer dangereusement. Le risque d’effondrement de notre société est désormais réel et ne peut plus, par conséquent, laisser indifférent !  

Or ce sont les jeunes qui seront les victimes expiatoires de nos délires, de nos mensonges par omission et de nos comportements inconscients. Ce sont eux qui se trouveront, évidemment, en première ligne pour affronter l’aggravation des fléaux climatiques qui s’abattent sur la planète, en particulier dans notre pays. Ce sont également eux qui souffriront d’une dramatique disparition de la vie démocratique et des libertés individuelles et collectives qui s’y attachent au cas où, par malheur, les forces de l’autoritarisme identitaire et du populisme qui s’agitent à l’extrême-droite parvenaient à s’emparer du pouvoir pour ne plus jamais le céder.

Hélas, ces jeunes, parmi ceux déjà en âge d’évaluer leur sort futur, ne réagissent pas, ou si peu. Mais c’est peut-être qu’ils n’ont même plus envie d’envoyer des signaux de détresse ! C’est sans doute aussi parce que nos divagations techno-numériques et notre quête frénétique du plaisir virtuel, mais fuyant, font peu à peu disparaître les bouées de sauvetage visibles et palpables auxquelles l’être humain pouvait solidement s’accrocher.

Alors, être citoyen, c’est dire : maintenant, ça suffit !

Aujourd’hui, faut-il encore le répéter, la France va mal dans un contexte mondial des plus inquiétants, le drame étant que la plupart des responsables politiques, en France comme ailleurs, ne paraissent pas à la hauteur des enjeux colossaux qui défient la planète et l’humanité, en Europe et en France en particulier. Il est vrai que cela ne date pas d’hier et, au fond, André Frossard, encore lui, n’avait pas tort d’affirmer que « Le discours politique vole bas, mais il n’atterrit jamais ». Depuis, rien n’a vraiment changé, bien au contraire.

Il serait pourtant urgent d’atterrir, car il est désormais impératif de sortir au plus vite du déni de réalité, de regarder les choses en face sans chercher à se réfugier derrière des discours « rassuristes » et contreproductifs qui n’incitent pas à se remettre en question.

C’est pourquoi il faut impérieusement agiter le chiffon rouge auprès de nos dirigeants et de celles et ceux qui trépignent d’impatience pour le devenir, et s’écrier avec force : trop, c’est trop et maintenant, ça suffit ! Cessez de nous mentir, d’infantiliser les gens, de les tenir en laisse, de vendre du vent, de brouiller nos repères ; permettez à notre environnement de souffler, respectez la nature, laissez-nous respirer, laissez l’humain reprendre la main ; mettez un terme au racisme et à la xénophobie qui imprègnent dangereusement notre démocratie ; arrêtez de tout numériser à outrance et de virtualiser les rapports humains ; secouez tous ces argentiers sans âme et repoussez avec dédain leurs lobbyistes attitrés qui prennent plaisir à corrompre notre société et à souiller la planète !

Les riens en ont assez, en effet, d’être traités au mieux par l’indifférence et plus souvent par le mépris, ces riens pourtant fatigués qui, au risque de perdre leur liberté et même leur vie, prennent leur courage à deux mains et tentent sans grands moyens de sauver une société démocratique, désormais strangulée, en essayant d’y percer des ouvertures laissant circuler à nouveau ce puissant courant d’air pur et vivifiant qu’est le vent de la liberté, de l’égalité et, désormais plus que jamais, celui de la fraternité.

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