La revue Vacarme s’arrête. Il faut saluer la façon dont la fin de cette aventure a été annoncée dans l'éditorial du dernier numéro : «Arrêter une forme pour une autre est parfois plus vivant et désirant que vouloir la maintenir à tout prix. Cet arrêt peut aussi nous libérer pour d’autres tâches, d’autres échelles, d’autres collectifs. Aujourd’hui de nouvelles revues ne cessent d’apparaître, qui pensent, proposent, renouvellent le regard et les formes. »

Il n’en reste pas moins que cette revue nous manquera, par son approche singulière et unique « entre arts et politiques » et qu’on continuera d’y découvrir et redécouvrir des articles.
J'ai eu la chance d'en écrire plusieurs :
Le premier, en février 2011, co-signé avec Jérôme Martin, sur l’accès sur Peg-Interferon et à la ribavirine lorsque les brevets de Shering Plough et Roche empêchaient l’accès à ce traitement très toxique mais qui restait le seul existant pour traiter l’hépatite C ("Guerre contre les usagers de drogues, accès aux traitements et répression en Thaïlande", Vacarme n°55, avril 2011).
Le second article ("Quand les malades investissent les rues de Bâle, récit d’une mobilisation réussie", Vacarme n°64, juin 2013), co-signé avec Cécile Cadu, avec qui entre autres j’ai co-fondé Act Up-Basel fin 2011, revient sur cette campagne contre le laboratoire Novartis et ses tentatives d’empêcher la production de génériques d’un traitement contre le cancer en Inde.
Mon troisième article pour Vacarme, co-signé avec Marcela Vieira ("VIH & Banque mondiale", Vacarme n°85, octobre 2018), traite de la nocivité des mesures d’austérité en matière de santé et établi le lien avec les prix illégitimes des médicaments qui ne sont jamais, eux, remis en question et la crise des hôpitaux en France [1]. L'article qui avait fait l'objet d'un encart dans le journal Libération ("Vacarme, sida et néolibéralisme", le 5 décembre 2018), fait également largement référence aux conséquences dramatiques des politiques néolibérales menées par le gouvernement Macri en Argentine, dont l’une des dernières mesures aura été de supprimer le ministère de la santé et de rendre incertain l’accès aux traitements pour les personnes vivant avec le VIH en Argentine.

Les deux derniers articles portent sur la transparence et sont co-signés avec Jérôme Martin, avec qui j'ai fondé l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament en juin dernier. Le premier article porte sur la bataille de l’Assemblée Mondiale de la santé 72 (en mai 2019) autour de la "résolution transparence" ("Prix des médicaments : dans l’arène du débat", Vacarme n°88, octobre 2019), et le second sur la bataille de "l’amendement transparence" lors des débats parlementaires autour du projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2020, en France, à l’automne 2019 ("Le Conseil constitutionnel contre la transparence du prix des médicaments", Vacarme n°89, février 2020).
Sur la transparence, la revue Vacarme avait par ailleurs co-signé la lettre ouverte initiée par l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament en novembre dernier demandant au gouvernement de soutenir les amendements transparence lors de la présentation du texte au Sénat.

Merci Vacarme de nous avoir offert cet espace.
Pauline Londeix
[1]"En France, sous la présidence d’Emmanuel Macron, une réforme du système de santé est prévue pour cet automne, alors que de nombreux personnels soignants dénoncent des conditions de travail qui se dégradent et qui mettent en danger les usagers du système de soins comme la qualité des soins. Si certaines dépenses sont constamment rabotées, comme les effectifs de soignants, leur salaire, les équipements, le nombre de médicaments remboursés, d’autres phénomènes ne sont jamais remis en question, comme par exemple les monopoles de certaines firmes pharmaceutiques qui conduisent à fixer des prix exorbitants pour certains médicaments.
Si les réformes d’austérité vont toujours dans le sens de moins de personnel soignant, et d’une dégradation de la qualité des soins, les prix des produits de santé, pourtant supposés être négociés par les États avec les firmes pharmaceutiques, sont rarement remis en question. En 2015, l’assurance maladie en France avait acheté pour deux milliards d’euros le sofosbuvir, un nouveau médicament permettant de traiter l’hépatite C. Alors que des études réalisées en 2013 par des pharmacologues de l’université de Liverpool estimaient le coût de production du traitement d’une personne à 100 euros maximum, contre les 40 000 euros payés par l’assurance maladie française.
Pourtant, le droit de l’OMC, autre institution issue du « Consensus de Washington », comme la BM et le FMI, permet aux pays de définir leur loi en matière de propriété intellectuelle et de brevets et de prendre des mesures (comme les « licences obligatoires » ou « licences d’office ») permettant le recours à des médicaments génériques, nettement moins chers que les spécialités sous brevets. Une fois encore, le choix de ne pas remettre en cause ces monopoles et les prix qu’ils imposent revient à privilégier les multinationales aux dépens des populations et de l’intérêt des États.
En novembre 2014, Marisol Touraine, alors ministre de la Santé avait déclaré à propos de la négociation en cours entre l’assurance maladie et le laboratoire américain Gilead pour fixer le prix du sofosbuvir : « Recourir d’emblée à la licence d’office nous conduirait sans doute à un rapport de force difficile avec le laboratoire », confirmant ainsi que les choix effectués par de nombreux gouvernements vont davantage favoriser les multinationales plutôt que l’intérêt public.
Des chercheurs ont récemment révélé que les multinationales pharmaceutiques pratiquaient massivement l’évasion fiscale. Ils estiment l’évasion fiscale de Pfizer à 20 milliards de dollars, celle de Merck à 16 milliards, Johnson & Johnson 14 milliards, etc."