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Billet de blog 12 novembre 2025

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LETTRE À L'UNESCO DE L'ASSOCIATION DES USAGERS DE LA PADA DE MARSEILLE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

À l’attention de Monsieur  Khaled El-Enany

Directeur général de l’UNESCO

7 place de Fontenoy-Unesco

75007 Paris

OBJET : 

Demande d’inscription des gestes de l’hospitalité vive sur les mers et les rivages au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité

Monsieur le Directeur Général, 

Nous sommes d’actuels et d’anciens demandeurs d’asile, rescapés de la traversée de la Méditerranée pour la plupart. Nous nous sommes réunis en association en 2020 pour constituer notre expérience en expertise et mettre celle-ci à disposition de quiconque pourrait en avoir besoin. Depuis, nous développons à Marseille des actions d’entraide pour l’accès aux droits, à l’hébergement, à la formation professionnelle, à l’aide alimentaire. 

Pour être membre de notre association, dont l’adhésion est gratuite, il suffit d’être ou d’avoir été demandeur d’asile à Marseille. Nous regroupons aujourd’hui près de 1 000 adhérents de 30 nationalités différentes. Nous organisons une permanence juridique pour les demandeurs d’asile et sans papier, une permanence sociale pour les réfugiés et statutaires, des programmes de formation et d’information pour toute démarche administrative, des cours de langue et d’informatique, des distributions alimentaires. Avec des partenaires associatifs et publics, nous avons créé en 2022 le premier Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile autogéré de France, rue Saint-Bazile, et continuons à développer des projets expérimentaux d’hébergement avec la Mairie de Marseille et l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille notamment. Nous participons à nombre de programmes de recherche, et sommes engagés depuis 2021 auprès du PEROU dans le projet de création du Navire Avenir, premier navire spécifiquement conçu pour le sauvetage et le soin en haute mer.

Dans notre parcours d’exil, nous avons rencontré d’autres personnes migrantes qui nous ont aidés et que nous avons essayé d’aider à survivre. Nous avons aussi eu la chance de rencontrer, en mer ou en montagne, des sauveteurs et des soignants. Nous gardons toutes et tous le souvenir de compagnons de route morts pour ne pas avoir eu cette chance. Arrivés sur les rivages, nous avons rencontré des acteurs associatifs, des collectifs, des personnes solidaires qui nous ont aidés, soutenus, encouragés. Malgré cette amitié quotidienne, nous avons découvert en Europe une vie terriblement difficile pour nous comme pour nos compagnons d’infortune. Nous avons décidé alors de consolider les liens entre toutes et tous puis de nous organiser concrètement pour ne cesser d’accompagner celles et ceux qui cherchent et chercheront écoute, soin, refuge. Nous avons survécu à la douleur de l’exil grâce à cette hospitalité vive, à cette bienveillance fraternelle si souvent malmenée par les pouvoirs publics. Malgré cette hostilité qui gouverne et gagne bien des esprits, nous nous sommes donc réunis en association pour faire se perpétuer ces gestes d’attention et de soin qui nous ont été vitaux.

Nous nous inscrivons ainsi dans une culture contemporaine de l’hospitalité non encore répertoriée comme telle, et pourtant cruciale au présent et dans l’avenir : nous savons que nombre de nos contemporains vont connaître l’exil, dans toutes les régions du monde, en raison des troubles extraordinaires à venir, qu’ils soient géopolitiques et climatiques, et nous savons donc que nos savoirs, savoir-faire, savoir-être seront également vitaux pour les générations futures, ici comme ailleurs. 

Par la présente, nous nous déclarons donc solennellement co-signataires du dossier d’instruction porté par le PEROU visant à faire reconnaître les gestes de l’hospitalité vive au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, ce conformément à la Convention 2003 de l’UNESCO. Cette requête nous engage collectivement devant les générations futures. Nous ne doutons pas que l’UNESCO, dont la mission est de reconnaître et soutenir ce qui fait tenir notre humanité, saura la recevoir et l’entendre. Nous ne doutons pas que l’UNESCO créée pour « construire la paix » engagera alors tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir une politique ambitieuse, définie notamment depuis notre expérience, de protection de ces gestes et de leur transmission à nos enfants.

Marseille, le 15 octobre 2025

Alieu Jalloh, Président de l’Association des Usagers de la PADA

Mohamed Senessie, Président adjoint de l’Association des Usagers de la PADA

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