Déridons nous folleville même si vous êtes de l'autre bord.
Ceci n'est pas un billet très sérieux, les celles et ceux qui sont totalement dénués d'humour sont dispensés de lecture.
Les autres sont les bienvenus, ils peuvent même y laisser un petit mot gentil.
Il y eut dans l'Histoire de France, entre les guerres, les conflits, les révolutions et quelques gros massacres vengeurs, des périodes d'accalmie sociale et politique pendant lesquelles les querelles se limitaient à quelques batailles picrocholines sur le sexe des anges, sur des disputes de préséance auprès des puissants ou sur d'insignifiants conflits halieutiques. Les Trente Glorieuses furent de celles là, plongée nouvelle dans l’insouciante société des loisirs où, à bout de souffle mais assoiffés de liberté on allait se sourcer dans la vague si nouvelle des quatre cents coups et, après avoir passé la nuit chez Maud émerveillé par sa peau douce, il nous plaisait encore d'aller voler quelques baisers en cachette de Jules et Jim à une Jeanne si belle et si sensuelle ... allons bon, je sens encore que je m'égare.

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Bref le consensuel était de mise, les activités bon enfant, les batailles politiciennes à bas bruit ne faisaient guère de vague comme en témoigne ce document d'époque où l'on voit le staff de campagne de deux candidats, tenter placidement d'attirer vers leur champion respectif les petits poissons indifférents à se faire piéger rive droite ou rive gauche.

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Le populo qui dans son ensemble était pour, ne refusait pas néanmoins d'être tout-contre dans des confrontations pouvant être plus qu'amicales sur des terrains adaptées à des joutes qui ne laissaient guère que des blessures sentimentales.
Mais les mœurs ont évolué, allez comprendre pourquoi il y a maintenant les pour et les contre, vous l'avez remarqué vous aussi. Sans doute une évolution génétique de la race, tout le monde sait maintenant qu'il est dans la nature humaine de marquer sa contre-dépendance et d'affirmer son identité, c'est même indispensable pour devenir un homme, un vrai (les nanas taisez vous!). J'en use moi-même parfois. Exemple : y'en a qui réclament de pouvoir mettre un peu de beurre dans les épinards, et c'est justice, enfin en principe, mais moi je suis franchement contre, je revendique le droit qui m'est dû de ne pas mettre d'épinard sur mon beurre. Sommes-nous irréconciliables ? Dois-je faire appel à un médiateur ? Avec ma femme, ce fut un sujet de divorce, je lui ai proposé de manger les épinards et moi le beurre, rien à faire, têtue comme une mule, la diplomatie impuissante … et il y a d'autres cas tout aussi critiques, voyez au moyen-orient …
Et des deux cotés, chacun s'accroche à sa vérité comme la moule à son bouchot même par forte houle. On trouve ici sur les fils, vous l'avez noté, des hargneux très arrogants qui sont systématiquement contre ceux qui sont pour et inversement. Faut-il toujours être pour celle ou celui qui est pour ? C'est délicat parce que le jour où elle est contre (ça peut arriver, les femmes sont tellement versatiles), vous ne savez plus très bien si dorénavant vous devez être contre celles et ceux pour qui elle était pour. Ça embrouille un peu quand même et ça met du mou dans la ferme ligne de conduite fixée au départ vis à vis de celles et ceux que vous aviez subodoré soutenir le même pour que vous défendez vous aussi. Mais si la probité l'emporte sur l'affect, cette problématique ne se pose plus. Alors concentrons nous maintenant sur notre destin ...
En cette période troublée où la France se cherche un chef qui en a, de la volonté ferme et des idées qui ne soient pas hors date de péremption, la bataille est rude, chacun se réclame d'un renouveau vraiment neuf au niveau de la gouvernance, même les vieux croûtons ramollis à la sauce libérale qui osent nous présenter une impudique virginité politique. Mais bon, le débat est courtois, dans chaque camp, l'ambiance est camaradesque, on n'ose se démarquer d'un collègue avec lequel on a plongé en bonne connivence, le pays dans ce lamentable état, bref la concorde règne même s'il va bien falloir trouver le meilleur d'entre-nous pour affronter l'équipe adverse.

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Dans le camp socialiste, on se parle, on échange les idées, on affine les options, on sent bien qu'un accord pourrait être rapidement finalisé pour désigner celui qui dans une belle alliance …
Vous avez regardé la première de la primaire ? Moi non plus ; on a raconté après qu'elle avait été décevante alors pour me faire mon idée objective, j'en ai visionné un bout en coupant le son et là, contrairement à vous, je les ai trouvé plutôt convaincants, surtout l'Ô Pinel vraiment très tranchante sur bien des points. Il va falloir pour la deuxième, que les mecs raidissent leurs arguments.
Ô ps, ps ennemi, ne t'es tu donc perdu que pour plaire à Marine ?
A l'issue de ces deuxièmes primaires, nous plongerons sans parachute dans le dur du marigot (crocodiles, grenouilles et petits poissons), les télés, les radios, les journaux, les potins vont nous submerger d'infos plus ou moins vraies, de sondages bidons, de chroniques partisanes, de propagandes éhontées, de professions de mauvaise foi et nous ne pourrons y échapper que par l'exil très loin (la Papouasie orientale) ou l'hibernation prolongée. Notre sang gaulois va bouillonner de nouveau et pour tous ceux un peu concernés qui s'extrairont de « poubelle la vie », la mêlée pourrait être divertissante.
Même dans les frimas d'hiver, les murs se fleuriront de serments de toutes les couleurs, du rose, du bleu marine ou très foncé, du blanc pour les timides, avec des touches de vert parsemées ici ou là pour faire joli, et bien sûr au milieu, la tronche de l'aspirant (l'aspirateur de vos voix) respirant un optimisme qui se voudrait contagieux. Le slogan sera bref comme un uppercut :
« François vous a tout pris, François vous le rendra »
« Avec Marine, la croisière ensoleillée »
« La rose au moins, le bonheur en plus »
Ce sera du sport sans arbitrage, tous les coups seront permis. La France coupée en deux ? Non, la France hachée menue, passée à la moulinette des coups bas dans la joyeuse confusion de la castagne nationale. Tout ceci sera délicieusement pervers, hypocrite, mensonger. Dans les lucarnes nous aurons droit à tous les genres oratoires : langue de bois (la plus commune), de fer, de feu, de larmes, de sang et de ces vipères qui ont soigneusement dosé leur venin, et puis peut-être aussi celle des indécis bafouilleurs qui ne feront avec leur bouche que le bruit de leur mauvaise conscience, mais je doute qu'il en reste beaucoup à ce stade là.
On se souviendra soudain que dans les hospices, les personnes âgées sont encore vivantes, on ira troquer un bulletin contre un câlin. On vous présentera pour demain le paradis pour tous :
« Plus de jeûne pour les jeunes »
« le chômage dans les nuages »
« Que du mieux pour les vieux »
« toute ma flamme pour les femmes »
Sur les tréteaux, la parole sera forte, le verbe haut, qui pour une fois n'oubliera pas ses sujets, le qualificatif sera flatteur, cajoleur, flagorneur. Nous serons le peuple le plus intelligent du monde puisque nous allons voter pour lui. Et parmi toutes les promesses promises, le grand jeu du printemps avant le choix définitif sera bien de comptabiliser chez chaque candidat, les mensonges les plus crédibles.
Mais on m'apprend qu'après la première curée, les deux survivants devront encore accomplir un dernier tour de piste. Alors ce sera bien la France coupée en deux, entre les pour et les contre ce sera un combat sans merci, chacun devra porter son champion à bout de bras et dans les grand meeting, quelle que soit la qualité de son discours, les acclamations les plus tonitruantes, les applaudissement les plus longs porteront son ego au plus haut des cieux, pure jouissance que nos ovations réclamées et offertes conduiront jusqu'au plaisir des dieux.
Et le soir du dépouillement, vous saurez enfin si vous avez fait le ... bon choix monsieur, bon choix madame.