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Billet de blog 21 mars 2018

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Les arts du fil

Au fil des temps immémoriaux, des premiers singes arboricoles voltigeant de liane en liane jusqu'aux fibres modernes dites intelligentes, tous les humanoïdes ont utilisé ces fibres longues et souples pour de simples fonctions d'assemblage ou pour la confection de vêtements. Avec la naissance d'Internet, un fil d'un nouveau type est apparu, issu d'un matériau pourtant déjà connu : le commentaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

A vous amies lectrices et lecteurs et surtout à vous chères blogueureuses (ou pas) qui serez plus particulièrement concernées par cette aventure, je vais conter brièvement ici la longue histoire du fil, de l'antiquité à nos jours.

Environ 30 000 ans avant notre ère, nos lointains ancêtres, par torsion manuelle de fibres de lin, de laine de chèvre ou de mouton, parvenaient déjà à produire du fil assez solide pour servir au tissage de vêtements et à la fabrication de cordes.

Illustration 2

Cet objet du paléolithique supérieur, il y a quelque 20 000 ans, réalisé en ivoire de mammouth, percé de trous à rainures hélicoïdales est le premier outil à torsader des fibres végétales et réaliser ainsi des cordes résistantes, avancée de grande importance pour les chasseurs-cueilleurs.

Illustration 3

Puis à partir du VIeme millénaire avant JC, le fuseau et la quenouille vont être utilisés pendant près de 7000 ans jusqu'à l'apparition du rouet au XIVeme siècle. Le premier métier mécanique à tisser ces fils fut conçu en l'an 1800. Les fileuses de ces époques le savaient fort bien, qualité et mesure de fil réclamaient patience et longueur de temps, dualité dont se sont inspiré les poètes :

Robert Marcy - File la laine - illustrations au rouet © Daniel Tolbiac

La soie quant à elle n'apparut en Chine que 2800 ans avant notre ère et ce n'est que vers l'an 600 que la sériciculture se développe dans l'empire byzantin puis en Italie.

Les applications des fils de toutes natures sont considérables et s'il est inutile et déraisonnable d'en faire ici une mention exhaustive, il est pourtant assez fascinant d'en observer une toute récente : Pendant des décennies et après l'utilisation à grande échelle des polyesters de toutes sortes, si les chercheurs s'appliquent maintenant à développer des fibres innovantes et même des textiles intelligents, un nouveau matériau est né spontanément, créant du filament à gogo sans chimie ni usine de fabrication : le commentaire. Utilisé à outrance sur les réseaux sociaux, les journaux en ligne et les forums, on ne peut malgré tout le classer dans la catégorie des fibres intelligentes car sa caractéristique principale est bien de n'en avoir aucune précise, mélangeant le subtil et le crétin, le gentil et l'offensant, la vérité et le mensonge, le trop court et l'interminable, le rectiligne et le déviant, le solitaire et le multiple, l'harmonique et le dissonant, et tout ceci parfois sur le même brin. Le singulier désigne ici le terme générique car il est vite advenu qu'un seul fil de cette matière n'était souvent que le germe de beaucoup d'autres. 

Mais un fil de commentaires ne naît pas comme ça spontanément ex nihilo, il lui faut une amorce, un germe voire un appât. Parfois un simple leurre suffit à déclencher la réaction. Si c'est souvent la fonction cognitive du commentateur qui démarre le processus, il n'est pas rare que quelques stimuli dirigés vers le cerveau limbique lui fasse jouer le premier rôle. Un crime bien crapuleux, des déviances croquignolettes, une photo bien audacieuse ou même la simple mention d'un homme politique peuvent suffire.

Dans la grande famille du fil de commentaires (comment thread), il existe diverses catégories dont on peut donner un rapide aperçu des plus caractéristiques :

Illustration 5
Illustration 6

  Chez nous (?) à Mediapart, ce sont les articles et billets qui en sont la source primaire. Ils peuvent être fontaines intarissables, minces filets, goutte à goutte ou regs asséchés. Les auteurs, impatients de savoir si leur œuvre souvent jugée fondamentale a suscité quelque intérêt, nous tendent une perche qu'on hésite à saisir pour peu qu'on soit le premier à s'engager sur un terrain étroit et d'équilibre précaire qui peut nous mener vers le meilleur comme le pire.

Illustration 7

  Le fil type que l'on trouve couramment dans les colonnes de ce journal est du style brouillon qui tient plus du fil à en découdre que du fil d'amour :

Illustration 8

 Mais dans ce joyeux bazar, tous les coups ne sont pas permis.

Illustration 9

 Nous sommes tous, nous petits blogueurs comme les araignées, des artisans-créateurs de fil et donc responsables de la qualité finale du produit. Certains semeurs de zizanie connus y assènent petites contre-vérités ou gros mensonges avec un aplomb qui nous laisse perpendiculaire, pollution qui a malgré tout l'indéniable avantage de relancer le … le … (à remplir au choix du lecteur) je ne trouve pas le mot juste.

Illustration 10

   Dans notre jardin d'arbres exotiques et de lianes enchevêtrées parcourues de bestioles conscientes ou non de leurs rôles essentiels de sauvegarde de nos fonctions cognitives supérieures, véritable écologie de la pensée, il est plaisant de rencontrer, au fil de nos explorations, quelques spécimens originaux propres à notre journal dont voici deux exemples parmi d'autres tout aussi inimitables :

Le blog hypergolien où l'auteur (dont je tairai le nom pour ménager sa modestie) maîtrise parfaitement l'art difficile du fil à soi. N'hésitez pas à vous y aventurer, c'est ici véritable jardin magique et mystérieux où le seul risque est de n'en vouloir jamais sortir tant les sentiers parfois tortueux enchantent ou fascinent de découvertes extraordinaires.

Le blog joelmartinesque, super catalyseur d'activité neuronale, déjà riche d'une vingtaine de longs brins formant un tissus de synapses pas toujours très bien connectées mais qui provoque invariablement chez le blogueur englué dans ses fils, émerveillement, perplexitude ou rictus zigomatical. S'y aventurer nécessite une réserve conséquente de neurotransmetteurs en état de marche ; l'affluence constatée sur ces fils prouve bien que Mediapart n'est pas peuplée que de dégénérés.

S'il est courant (attention de ne pas tomber) dans le club, de croiser des blogs de piques à grosses ficelles, on y trouve aussi des blogs de cœur à fil d'amitié, ceux que je préfère, qui font renaître parfois ce qu'on croyait à jamais perdu.

Ecris quelque chose de joli,
Un instant de rêve et de pause dans le tumulte de la vie,
Un moment de métamorphose que tu nommerais l'embellie. Jean Ferrat

Illustration 11

C'est aussi ça, Mediapart ! Un drôle de bistrot...On y partage des engueulades, des fous-rire, des rages, des larmes, de la tendresse, des souvenirs, des projets, des espoirs, la vie, quoi !" Annie Lasorne 

Illustration 12

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