Ce texte, je ne l'écris pas pour vous puisque vous ne le lirez pas, même pas pour moi, ce serait bêta de se relire pour un plaisir malsain. Alors pourquoi ? Vous ne le savez pas mais j'en ai écrit plein d'autres que je n'ai pas publiés par peur que vous cédiez à la tentation, ce qui est un vilain défaut me disait ma grand-mère à propos du pot de confiture. Mais j'ai bêtement cédé au désir de publier celui-ci avec l'espoir secret que personne ne viendra y jeter un œil. En fait ce travail est un acte gratuit ce qui, nous disent les philosophes, est admirable parce qu'il prouve, pour la personne qui s'y adonne, un profond désintérêt pour les avantages d'une autre pratique toujours un peu cupide … et j'imagine qu'il doit être très agréable d'être admiré, mais pour en profiter, il faudrait le faire savoir autour de soi.
Je ne suis pas un influenceur, vous l'aurez compris, la technique présentement choisie serait pour le moins inadaptée. D'ailleurs je n'ai jamais eu d'influence sur quiconque, hormis peut-être sur mon chat qui se précipite quand je mets des croquettes dans sa gamelle … mais hors de moi l'idée de faire pareil avec vous !
Je suis plutôt créateur de contenu, j'ai trouvé ça bien comme nouveau métier. Le simple fait d'avoir rempli quelque chose même à moitié est déjà un sujet de satisfaction, on sent qu'on n'a pas perdu sa journée. Mais me direz-vous (ou pas) on fait ça tous les jours en mettant de l'eau dans un verre. C'est vrai et c'est déjà mieux avec du vin mais ça reste quand même du travail d'amateur. Alors je me suis dit, pour faire pro il faut déjà trouver le bon contenant. La nuit ne m'a guère porté conseil mais ce matin en ouvrant open office et sa page blanche d'accueil, j'ai tout de suite compris que j'avais trouvé le bon récipient. Il me reste maintenant à remplir ! Et là, c'est l'angoisse du vide, que vais-je bien pouvoir raconter à mes non-lecteurs ? Aborder le marigot politicien où je risque la noyade ne m'enthousiasme guère. Il reste les valeurs sûres comme la météo ou la cuisine, je vais tenter de conjuguer les deux en faisant griller les merguez sur le barbecue de la terrasse, mais le vent se lève. On en reparle ...
Il y a un truc qui me tarabuste depuis longtemps : certains billets de Mediapart ont leurs pages de commentaires saturés d’insultes, d'injures et autres noms d'oiseaux plus ou moins exotiques genre « fumier, crétin des alpes, traître, facho, débile » … et d'autres plus colorés encore. J'avais bien aimé « encrassé du bulbe » qui n'est pas rédhibitoire. Et tout ceci par centaines ce qui questionne un peu ! Alors j'ai compris que les émetteurs de ces opinions bien tranchées y trouvaient une satisfaction intellectuelle même si généralement elles n'étaient accompagnées d'aucun argumentaire. Sans doute une nouvelle source de plaisir que je pourrais expérimenter ici. Et sans risque car les insultés anonymes ne se reconnaitront pas (sauf les très lucides) et ne pourront donc faire une réplique à hauteur de l'offense sans se dévoiler. Mais quand même dans mon vécu j'ai stressé en entendant dire à mon adresse « tu n'est qu'un abruti » même si ça pouvait parfois friser la vérité. Alors je vais m'abstenir ici mais j'essaierai peut-être dans la vraie vie, il faut vivre dangereusement !
Chers non-lecteurs, comment vous remercier de ne l'avoir pas lu ? Si une seule personne me le faisait savoir, il est certain que je trouverais les mots justes et peut-être qu'un non-dialogue pourrait s'installer entre nous, mais vous êtes sans doute des millions et là, je suis désemparé, c'est le piège de la tentation d'une non-communication qui soit réellement universelle. Le non-dit ne doit être utilisé que par les seules personnes vraiment conscientes de l'utilité du vide.
A l'inverse un petit compliment de votre part me ferait plaisir, mon ego existentiel s'en trouverait un chouia renforcé. Mais ne seront crédibles que celles et ceux qui s'en seront tenus strictement au seul titre du billet.