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Billet de blog 4 juin 2009

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Michéa et le libéralisme: hommage critique

Une critique de la thèse du philosophe Jean-Claude Michéa quant à l’unité du libéralisme économique et du libéralisme politique, publiée sur le site de sciences sociales et de philosophie politique Revue du MAUSS Permanente : introduction, plan et lien de l’article…

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Une critique de la thèse du philosophe Jean-Claude Michéa quant à l’unité du libéralisme économique et du libéralisme politique, publiée sur le site de sciences sociales et de philosophie politique Revue du MAUSS Permanente : introduction, plan et lien de l’article…

Introduction

Le mot « libéral », au sens d’« idées libérales », apparaîtrait en France en 1750 et le mot « libéralisme » en 1818. Mais on a l’habitude de considérer que la maturation d’idées « libérales » est antérieure. Avant même le recours aux mots (« libéral » et « libéralisme »), il y aurait des « pionniers » philosophiques du « libéralisme », ayant posé des jalons dans cette direction. L’anglais John Locke (1632-1704) et le français Montesquieu (1689-1755) feraient partie de ces « pionniers » du « libéralisme ».

On a ensuite l’habitude de distinguer au moins deux grands types de « libéralisme » :

a) Il y aurait un « libéralisme politique » mettant l’accent, d’une part, sur les droits individuels et collectifs, les libertés personnelles et politiques, la tolérance et, d’autre part, sur l’équilibre des pouvoirs face au danger de la tyrannie et de la concentration du pouvoir. Rappelons qu’on se situe alors largement à l’époque dans le cadre de régimes monarchiques de droit divin. Locke et Montesquieu seraient des précurseurs de ce libéralisme politique ; en France, Benjamin Constant (1767-1830) et Alexis de Tocqueville (1805-1859) incarnerait la maturité de ces idées libérales au XIXe siècle.

b) Il y aurait aussi un « libéralisme économique » mettant l’accent sur le rôle du marché comme régulateur principal des activités économiques, voire au-delà, sur la concurrence comme principe et sur le refus corrélatif de l’intervention de l’État dans le domaine économique. Une des figures de référence principale de ce « libéralisme économique » est l’Écossais Adam Smith (1723-1790), promoteur de « la main invisible du marché » dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776).

La question de philosophie politique, mais aussi de sociologie, qui nous occupera ici concerne les liens entre ces deux libéralismes : y a-t-il unité ou pluralité ? cohérence ou hétérogénéité ?

Pour aborder cette question, je partirai de la thèse d’un philosophe contemporain, Jean-Claude Michéa, dans son livre L’empire du moindre mal – Essai sur la civilisation libérale (2007), précisé dans une suite intitulée La double pensée – Retour sur la question libérale (2008). Michéa défend ainsi l’hypothèse de l’unité des deux libéralismes, dans une logique critique à l’égard du libéralisme ainsi unifié. J’exposerai cette thèse, puis je la critiquerai, en prolongeant une réflexion antérieure (Corcuff, 2008).

Pourquoi avoir ajouté au titre : « hommage critique » ? Parce que c’est grâce à la confrontation avec la thèse de Michéa que j’ai pu éclaircir certains problèmes et avancer des pistes alternatives. Ce texte est donc à la fois une critique et un hommage au travail de Michéa. On oublie souvent que les idées des autres, quand elles sont solidement argumentées et/ou novatrices, même quand on ne les partage pas, nous aident à réfléchir. Nous devrions donc, beaucoup plus souvent, quand ils en valent la peine, remercier nos adversaires intellectuels. Ils contribuent, en quelque sorte, à nous « tirer vers le haut » sur le plan de la dynamique intellectuelle. Alors que certains de ceux qui pensent plutôt comme nous, quand ils sont répétitifs, peu inventifs, voire dogmatiques, nous tirent plutôt vers « le bas » intellectuellement, au sens où ils tendent à nous enfermer dans des évidences et freinent ainsi nos questionnements.

La discussion critique avec Michéa se déploiera sur deux grands plans associés : 1) celui du contenu de la philosophie politique, et 2) celui de la méthode d’analyse des idées politiques (qui nous amènera à puiser notamment des ressources dans la démarche sociologique).

Mon propos s’inscrira alors dans un dialogue « transfrontalier » entre philosophie politique et sociologie, qui récuse la réduction de l’une à l’autre, mais les considère comme deux registres autonomes de connaissance, entre lesquels des passages peuvent être établis. Ce dialogue « transfrontalier » entre philosophie politique et sociologie occupe beaucoup mon travail intellectuel depuis plusieurs années (voir aussi Corcuff, 2005).

Pour établir ce parcours, je demeurerai schématique et synthétique.

Le reste sur : Revue du MAUSS Permanente, 22 avril 2009, http://www.journaldumauss.net/spip.php?article495

Plan de l’article

Partie I – Un débat de philosophie politique avec Jean-Claude Michéa

A – La thèse de Jean-Claude Michéa : l’unité du libéralisme

B – Grains de sable philosophiques

a) Contradictions d’un libéral : Adam Smith (1723-1790)

b) Le libéralisme politique contre le néolibéralisme économique ? Actualité de ressources puisées dans Montesquieu (1689-1755)

c) Socialisme et ressources libérales : le cas de Jean Jaurès (1859-1914)

Partie II – Des différences méthodologiques avec Jean-Claude Michéa

A – Méthodologie de Michéa : la notion de « logique libérale »

B – Pistes critiques : Michel Foucault (1926-1984) et Karl Marx (1818-1883)

a) Michel Foucault (1926-1984) : la critique des « synthèses toutes faites » et des « continuités irréfléchies »

b) Karl Marx (1818-1883) : les idées et la vie socio-historique

Conclusion

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