J’ai ri, adolescent, aux premiers films que j’ai pu voir de Woody Allen (Prends l’oseille et tires-toi – Take the Money and Run, 1969 ou Bananas, 1971) ou seulement avec Woody Allen (Tombes les filles et tais-toi – Play it Again Sam d’Herbert Ross, 1972). Puis j’ai été ébloui par Annie Hall (1977) et Manhattan (1979). Intérieurs (Interiors, 1978) nous a offert un hommage sombre au cinéma d’Ingmar Bergman. Hannah et ses sœurs (1986), September (1987) et Une autre femme (Another Woman, 1988) ont donné des teintes tragiques à nos vaudevilles tellement humains. Tout le monde dit I Love you (Everyone Says I Love You, 1996) s’est présenté comme un enchantement de comédie musicale espiègle. Match Point (2005), avec ses couleurs londoniennes, est peut-être le film le plus marxiste (au sens de Karl, et non de la figure chérie de Groucho) de Woody Allen, tant les rapports de classes y sont structurants. Le rêve de Cassandre (Cassandra’s Dream, 2007) nous a introduit à des interrogations éthiques fortes. Vicky Cristina Barcelona (2008) nous a embarqués avec une légèreté percée de gravité dans les confrontations contemporaines aux incertitudes de notre « société de verre ». Ces balades cinématographiques drôles, dramatiques, tragi-comiques ont souvent été accompagnées d’une bande-son puisée dans le vieux jazz américain.
C’est en pensant à tout cela que je me suis rendu le 30 mars 2009 dans le bar de l’hôtel The Carlyle, dans le fort huppé Upper East Side de Manhattan à New York City. Woody Allen y joue de la clarinette avec The Eddy Davis New Orleans Jazz Band tous les lundis soir entre début janvier et début juin depuis de nombreuses années (http://www.thecarlyle.com/entertainment.cfm). Arrivée à 18h pour un show ne commençant qu’à 20h45 : il y a huit places au bar non réservables à l’avance, qui limitent les frais du projet (on peut tenir avec une ou deux bières sans avoir besoin de dîner, à la différence des tables de la petite salle).
Quelques photos demeurent de cette belle soirée. Woody Allen, 73 ans, myope ne semblant pas voir grand-chose de ce qu’il y a autour de lui, concentré sur son instrument, ne se la jouant pas et ne jouant à pas à Woody Allen. Une musique proche des bandes-son de ses films…
Il n’y a plus, après, qu’à retourner mélancoliquement à proximité des lieux de Manhattan, mais cette fois sans Woody Allen et Diane Keaton…