De la confusion des idées à l'extrême droitisation politique
Rencontre-débat organisée par la librairie Diderot et la section de Nîmes du PCF
Animée par Denis Lanoy (PCF Nîmes)
Maison du protestantisme, Nîmes, 4 décembre 2021, 18h-20h
Vidéo de la conférence et du débat (environ 1h40 - débat : à partir de 42 mn 50) sur YouTube
Introduction, plan et conclusion de la conférence
Introduction
Je remercie la librairie Diderot et la section de Nîmes du PCF de cette invitation. Il y a quand même des choses qui changent en positif comme le fait que des communistes invitent un libertaire.
Je vais proposer, en introduction à nos échanges, quelques repères très partiels à propos d’un gros livre de 672 pages, que j’ai mis trois ans et demi à écrire et dont j’ai accumulé les matériaux depuis 2012 et qui est paru en mars 2021 : La grande confusion. Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées.
Je date les débuts de l’extrême droitisation des espaces publics et de l’extension des domaines du confusionnisme qui la facilite en France au milieu des années 2000. Je parle d’extrême droitisation des espaces publics, et pas d’extrême droitisation de la société française, qui m’apparaît plus composite et mouvante.
L’investigation dont mon livre est le produit part d’un aveuglement partiel, individuel et collectif, sur la situation et d’un échec militant, également individuel et collectif. Je n’ai pas vu, que dès le milieu des années 2000 (avec notamment le sakozysme comme grand dérégleur des repères idéologiques et politiques) qu’une vague ultraconservatrice se préparait. J’avais trop le nez dans le guidon. Dans le sillage de mon engagement altermondialiste à Attac, sur le plan associatif, et à la Ligue communiste révolutionnaire, sur le plan partisan, ce qui donnera par la suite le Nouveau Parti Anticapitaliste, j’ai cru qu’une nouvelle gauche radicale aller pouvoir rénover centralement la gauche, à la suite de l’affaiblissement des deux principaux pôles de la gauche au XXe siècle, le pôle communiste pour cause de prise de conscience massive des dégâts du stalinisme et le pôle social-démocrate néolibéralisé. Nous avons échoué, parce qu’à la fois nous n’avons pas bien vu ce qui se tramait du « côté obscur de la force » et que nous avons gaspillé les quelques cartes que nous avions en main pour empêcher ce qui tend à nous submerger aujourd’hui. Je pense aussi que la rénovation qui aurait pu être portée par le Front de gauche, puis La France insoumise a été un échec.
Il faut donc voir ce livre comme un travail de recherche et de mise à distance à partir de mes propres aveuglements et mes propres échecs militants, grâce aux outils des sciences sociales et de la philosophie que je tire de mon parcours universitaire. Mon travail ne porte donc aucun surplomb visant à mettre en cause les autres, et pas moi. Je n’ai pas de leçon à donner vu le cours cahoteux de mon itinéraire militant. Mais, grâce à mes ressources universitaires et un rapport autocritique à mon trajet militant, j’essaye de commencer à fournir une cartographie des pièges de la période et une amorce de boussole pour nos temps troublés.
Mon topo initial aura deux temps principaux : 1) je rappellerai les repères cardinaux de ma démarche ; et 2) j’envisagerai (en réponse à une préoccupation des organisateurs) un des terrains seulement de ma recherche : les manichéismes croisés autour de la laïcité et la façon dont cela pose la question de l’universel. Ce sera donc une présentation partielle et schématique.
1) Repères globaux d’une démarche
2) Des manichéismes croisés autour de la laïcité à la question de l’universel
a) Retour sur la loi de 1905
b) Extrême droite et droite : le cas d’Eric Ciotti
c) Natacha Polony et la laïcité surtout contre les musulmans
d) Norman Ajari et la caricature anticoloniale de la laïcité
e) Retour sur l’universel
En guise de conclusion
Je serai bref dans ma conclusion avant débat. Il y a le feu au lac, comme je l’ai écrit récemment dans une tribune parue dans L’Humanité. C’est les notions même de « gauche » et d’« émancipation sociale » qui pourraient être durablement marginalisées, et il n’est plus impossible qu’un candidat « postfasciste » emporte la prochaine élection présidentielle.
Il faut donc prendre conscience des pièges confusionnistes, et ne faire aucune concession aux idées d’extrême droite. Dans mon livre paru en mars, il n’y a aucun locuteur confusionniste appartenant au Parti communiste. C’était un bon signe de résistance. Malheureusement, depuis la parution du livre, il y a eu des concessions confusionnistes de ce côté-là. La participation de Fabien Roussel, aux côté de dirigeants du RN et de Zemmour, à une manifestation ultra-sécuritaire organisée par des syndicats de policiers. L’abstention de députés communistes sur la loi dite sur « le séparatisme », aimantation islamophobe soft du macronisme.
Toutefois, fort heureusement, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, est un des rares à cultiver une vigilance anticonfusionniste : du rappel de la solidarité internationale des travailleurs face à l’exploitation capitaliste le 27 septembre 2018 dans Le Monde à la désapprobation dans la presse régionale du 22 juin 2021 des ambiguïtés d’Olivier Faure, de Fabien Roussel et de Jean-Luc Mélenchon. Au bord du précipice « postfasciste », il est plus que temps de retrouver une boussole de l’émancipation sociale à gauche.
* Voir aussi "Philippe Corcuff : "Un président post-fasciste n'est plus impossible"", entretien de Philippe Corcuff avec Françoise Verna, La Marseillaise. L'hebdomadaire d'Occitanie, du 3 au 9 décembre 2021 [accès abonnés]
