Retours sur un philosophe original de la chair, par ailleurs romancier, Michel Henry (1922-2002), qui a fait de la subjectivité individuelle le cœur de la critique de l’économie politique de Marx : un entretien de 1996 et la vidéo d’une récente communication contre les visions économistes dominantes de nos vies, à droite et à gauche…
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I - Un Marx méconnu : la subjectivité individuelle au cœur de la critique de l’économie politique
- Entretien avec Michel Henry de juin 1996, par Philippe Corcuff et Natalie Depraz, publié initialement dans la revue ContreTemps, n°16, janvier 2006 -
Michel Henry (1922-2002) est un grand philosophe français de la deuxième moitié du XXe siècle, apprécié de générations de philosophes mais aujourd’hui méconnu du grand public. Il a pourtant également été un écrivain, et a même obtenu le prix Renaudot pour son roman L’amour les yeux fermés en 1976 (Gallimard).
Il est né le 10 janvier 1922. Son mémoire de maîtrise de philosophie, soutenu en 1943, est consacré à une lecture originale de Spinoza (sous le titre Le bonheur de Spinoza, réédité en 2004 aux PUF). Tout juste après la soutenance, il rejoint la Résistance. Dans le maquis du Haut Jura où il combat, il a pour nom de code Kant. Au lendemain de la guerre, il sera un moment proche des socialistes de la SFIO. Il passe l’agrégation de philosophie en 1945. Il enseignera à l’Université de Montpellier de 1960 à sa retraite en 1982. Il situe son travail dans le cadre de la phénoménologie initiée au 20e siècle par Husserl, mais va peu à peu rompre avec la dimension principalement intentionnelle de ce dernier, en explorant de façon singulière une phénoménologie du corps subjectif et de la chair. Un de ses derniers ouvrages radicalise cette perspective : Incarnation – Une philosophie de la chair (Seuil, 2000).
Il commence à travailler sur Marx, dans une perspective non «marxiste» en 1965. Les deux tomes de son Marx paraissent en 1976 chez Gallimard (tome 1 : Une philosophie de la réalité, et tome 2 : Une philosophie de l’économie ; réédition en collection «TEL» de poche en 1991), mais sont peu discutés par les diverses obédiences «marxistes» alors encore puissantes dans l’Université française. Il faut dire qu’il annonce de manière provocatrice, dès que début de l’ouvrage, que «Le marxisme est l’ensemble des contresens faits sur Marx» (tome 1, p.9). Mais, surtout, il y déploie une lecture nouvelle, inattendue, qui repère chez Marx, des écrits de jeunesse à ceux de la maturité, des textes philosophiques aux textes économiques, une logique de la subjectivité radicale et de la vie, qui étonne encore aujourd’hui par son intensité. Il met alors l’accent, contre les interprétations marxistes dominantes, sur les notions d’individu et de subjectivité. On peut certes critiquer cette focalisation, en pointant la place occupée chez Marx, contre la double fétichisation des entités collectives et des unités individuelles, par une pensée des rapports sociaux, donc de l’interindividualité et de l’intersubjectivité. Mais Michel Henry, par les pistes nouvelles défrichées, nous a obligés à lire Marx autrement. Quelques années plus tard, il s’intéressera aussi, à travers sa propre dynamique de recherche, à Freud, avec Généalogie de la psychanalyse – Le commencement perdu (PUF, 1985).
Le philosophe a aussi publié des essais politiques. La Barbarie (Grasset, 1987 ; réédition PUF en 2001 et en 2004) s’attaquera au totalitarisme du «communisme réellement existant». Il prolongera cette critique, après la chute du Mur de Berlin, tout soulignant les graves dangers entraînés par la domination du capitalisme, avec Du communisme au capitalisme –Théorie d’une catastrophe (Odile Jacob, 1990).
Il est mort le 3 juillet 2002. Anne Henry, sa veuve, a mis en place un site internet fort utile pour ceux qui voudraient en savoir plus sur cette pensée exigeante : http://www.michelhenry.org/. Pour une introduction à ses travaux, il existe un recueil de courts textes éclairants, rassemblés par la sociologue Magali Uhl : Auto-donation – Entretiens et conférences (2e édition augmentée en 2004 aux Éditions Beauchesne, collection «Prétentaine» dirigée par Jean-Marie Brohm).
Philippe Corcuff
Vous trouverez l’entretien avec Michel Henry, qu’introduit le texte précédent, sur le nouveau site libertaire Grand Angle en cliquant sur : Entretien de Michel Henry sur Marx (1996)
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II – Le Marx de Michel Henry : choc et écueils d’une renaissance philosophique de Marx
Par Philippe Corcuff
- Communication au colloque « L’actualité de Marx », organisé par l’association étudiante Les médiations philosophiques, 8 mars 2013, Université Jean Moulin Lyon 3 -
On peut visionner la vidéo de la communication (environ 50 mn) et le débat qui a suivi (environ 11 mn) sur l’E-learning centre de l’Université Lyon 3 en cliquant sur : Vidéo communication sur le Marx de Michel Henry (2013)
Compléments sur Michel Henry :
On peut consulter le site consacré à l’œuvre de Michel Henry : http://www.michelhenry.org/.