Aliza Bin Noun à France Inter : « Pas de processus de paix via la communauté internationale ».
Dimanche 15 janvier 2017, Aliza Bin Noun, ambassadrice israélienne, est interviewée à
France Inter par Pierre Weil :
A. B. Noun : « Il faut que Netanyahu et le gouvernement israélien insistent d’avancer la paix à travers un dialogue directe, et si on veut nous aider, il faut mettre la pression, et convaincre Mahmoud Abbas de venir négocier directement car on ne peut parler des sujets qui concernent Israël sans qu’Israël soit là. »
Pierre Weil : « mais M. Abbas était prêt à venir à Paris. B. Netanyahu pouvait venir entamer un dialogue… »
A. B. Noun : « M. Abbas a pris une décision stratégique il y a deux ans, selon laquelle il passe par la communauté internationale pour que cette dernière fasse pression sur Israël. Il ne veut pas venir discuter directement avec B. Netanyahu. Tous les endroits internationaux comme cette conférence, comme l’ONU et le Conseil des droits de l’homme à Genève lui conviennent parce que c’est une plate-forme internationale où la plupart des participants sont très critiques à l’égard d’Israël, comme on l’a vu avec le vote de l’UNESCO par rapport à Jérusalem-Est.
Ce n’est pas à travers la communauté internationale que ce processus va aboutir ».
Aliza Bin Noun semble avoir lu le biblique Nombres : « Je le verrai du haut des rochers. Ce peuple habitera seul, séparé, et ne sera point mis au nombre des nations. »
Si en effet on se réfère aux propos tenus par l’ambassadrice, Israël ne fait pas, tout du moins peu, partie de la communauté internationale, désignée comme maléfique de par les institutions qu’elle s’est donnée, l’ONU, le Conseil des droits de l’homme et, par des conférences suivies de votes, considérés comme « agissements » en défaveur d’Israël.
On comprend que Aliza Bin Noun brocarde ces institutions, car si, par exemple, comme le rapporte Julien Salingue dans Israël, un état d’apartheid ?, cet Etat a adhéré à la Convention sur l’interdiction de la discrimination raciale de 1965, et qu’il a voté en faveur de certaines résolutions de l’AG de l’ONU qualifiant l’apartheid de crimes contre l’humanité, ce dernier vote ne concernait que le contexte de la condamnation du régime sud-africain. Autre réserve de taille : Israël n’a ratifié ni la Convention de 1973, ni le protocole additionnel de 1977, ni le statut de la CPI.
Quant au vote de l’UNESCO, le « dérapage linguistique » auquel il est fait allusion est bien l’arbre qui cache la forêt de la judaïsation de Jérusalem-Est (quelque mille maisons palestiniennes démolies en 2016). Cf mon article :
https://blogs.mediapart.fr/philippe-cross/blog/031216/place-al-bourak
La victimisation d’Israël est comme on sait le fonds de commerce du sionisme, alimenté par une théorie du complot, dont les auteurs sont ici dénoncés comme appartenant au groupe de « la plupart des pays critiques d’Israël ». Des pays critiques sans raison d’être, par essence donc, faisant partie d’un axe du mal…
Aliza Bin Noun exige donc de la France qu’elle fasse pression sur la communauté internationale afin qu’elle laisse les Israéliens et les Palestiniens négocier sans l’interférence d’un tiers, arguant par ailleurs qu’on ne peut parler des sujets qui concernent Israël sans qu’Israël soit présent. Pierre Weil répond judicieusement que B. Netanyahu aurait pu venir à la Conférence. Il eût pu aussi poser cette question : Depuis quand Israël consulte-t-il les Palestiniens pour prendre ses décisions ?
La politique du fait accompli, avec le passage de la superficie de l’Etat d’Israël, à l’issue de la guerre de 1948, de 55 % à 78 % de la Palestine ( soit un vol sans indemnisation de 23 % du pays doublé d’une interdiction de retour pour les 750 000 Palestiniens chassés en 1948 ) - l’occupation de la Cisjordanie après la guerre de 1967 et l’annexion progressive du pays via la colonisation et les destructions de l’immobilier palestinien - le viol des accords d’Oslo à partir de 1993, (Israël devant se retirer des Territoires occupés en 1998) - l’implantation de quelque 450 000 colons supplémentaires depuis cette date ou l’annexion du Golan en 1981, cette politique a-t-elle été décidée au terme de consultations avec les Palestiniens et les Syriens ? L’emprisonnement actuel de quelque 7 500 Palestiniens, et le passage par les prisons israéliennes de 800 000 Palestiniens (ce qui équivaudrait en comparaison à quelque dix à douze millions de Français) , sont-ils le fait de l’interférence de la communauté internationale ? Les massacres de Gaza de 2009, 2012, 2014, sont-ils dus à une communauté internationale intrusive qui aurait empêché Israël de régler la question de l’occupation via la concertation avec les Palestiniens ?
Au nom de sa « souveraineté », Israël n’a pas daigné jeter les yeux sur le projet de paix arabe de 2002. Qui plus est, même livré à lui-même, sans tiers, dans un contexte ultra-favorable, Israël ne négocie pas. Comme le disait Frédéric Encel sur France Culture le 14 septembre 2011 : « Ca fait deux ans et demi que le gouvernement israélien aurait dû négocier. MM Abbas et Salam Fayyad correspondent à un tandem rêvé par les Israéliens depuis des années. […] Israël a commis une erreur. »
Philippe Cross