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Billet de blog 4 octobre 2023

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Et si Emmanuel Macron provoquait un shutdown à la française ?

Coïncidence de calendrier : alors qu’à Washington, Républicains et Démocrates ont fini par trouver un compromis sur le budget pour éviter une cessation de paiement de l’Etat, à Paris, les députés LR, n’ont pas ratifié le projet de loi sur la trajectoire budgétaire grâce à l’assurance tout risque couvrant leur irresponsabilité que constitue le 49.3.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Avec le réchauffement et le dérèglement climatiques, comme disaient nos grands-mères « il n’y a plus de saison », à tel point que l’été s’invite au mois d’octobre.

Mais pour le respect du rythme des saisons, on peut compter sur les politiques. L’automne n’a pas été au rendez-vous de la fin septembre mais le gouvernement et les députés ont, avec ponctualité, ouvert la saison des 49.3 et  des vociférations « sur les passages en force et les atteintes à la démocratie ».

En effet, jeudi 28 septembre, Elisabeth Borne a « dégainé » selon l’expression consacrée » le fameux article 49.3 pour faire passer sans vote le projet de loi sur la trajectoire budgétaire qui présente les moyens de réduire le déficit budgétaire au cours des prochaines années. L’opposition a protesté, la Nupes a déposé une motion de censure qui n’a pas recueilli la majorité. Les acteurs de cette mauvaise comédie ont joué à la perfection leur rôle et la pièce devrait être représentée jusqu’à la fin de la saison pour que les lois budgétaires, de l’Etat et de la Sécurité sociale soient avalisées.

Au même moment ou presque – vendredi 29 septembre -, le Congrès américain vivait un psychodrame comparable avec le projet de loi permettant le financement de l’administration fédérale.

On ne l’a pas assez souligné mais la France et les Etats-Unis sont dans une situation institutionnelle et parlementaire similaire : l’exécutif des deux pays ne dispose pas de majorité dans son Parlement.

Si Emmanuel Macron n’a qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale et pas de majorité du tout au Sénat, Joe Biden est en minorité à la Chambre des représentants - l’équivalent de l’Assemblée nationale - et a une parité au Sénat. Les deux sont confrontés à la même difficulté de trouver une majorité pour chaque texte de loi. Un exercice d’autant plus compliqué que les deux – même similarité – ont face à eux des oppositions de nature démago-populiste, incarnées en France par LFI, le RN et une partie des LR et aux Etats-Unis par un parti Républicain dont « la trumpisation » s’exacerbe dans la perspective de l’élection présidentielle de l’année prochaine.

Les deux ont évité la crise institutionnelle et budgétaire avec des moyens différents.

Le Président américain envie-t-il son homologue français de pouvoir faire passer un texte de loi sans qu’il soit voté ? Pas sur parce que, en fait, dans la crise évitée de justesse, Joe Biden est sorti vainqueur. En effet, que s’est-il passé ? In extremis, sous l’impulsion de Kevin McCarthy, speaker (Président) de la chambre des représentants, les Républicains ont accepté un compromis et permis le vote du budget – à l’exception de l’aide à l’Ukraine, victime collatérale de cette guérilla parlementaire – et éviter « le shutdown ». Mais, le 3 octobre, les super trumpistes ont joint leurs voix aux démocrates pour constituer une majorité pour destituer McCarthy…..

Dans la constitution américaine, il n’y pas de filet de sécurité. Si le budget n’est pas voté, il n’y a pas de financement de l’Etat. C’est cela le « shutdown » : l’administration à l’arrêt, des centaines de milliers de fonctionnaires renvoyés chez eux et plus payés, les structures et les institutions fédérales fermées, les programmes sociaux fédéraux comme Medicare suspendus et à l’exception des fonctions liées à la sécurité nationale, tous les services de l'Etat tournent au ralenti, y compris la Maison Blanche et le Congrès…

On avait noté – dans un précédent article – https://blogs.mediapart.fr/philippe-rollandin/blog/181022/assemblee-nationale-le-paradoxe-du-493 qu’avec la majorité relative, le 49.3 n’est pas une arme de dissuasion entre les mains du Président et du gouvernement mais un outil permettant aux partis d’opposition et particulièrement à ceux –  LR et le PS – qualifiés de partis de gouvernement de faire assaut de démagogie et de postures irresponsables car ils savent qu’avec cette disposition constitutionnelle, il y aura un budget pour l’Etat.

La coïncidence de calendrier avec le vote aux Etats-Unis, fait éclater au grand jour la réalité selon laquelle le 49.3 est un visa d’irresponsabilité pour les partis d’opposition.

Si les représentants Républicains au Congrès américain ont fini par voter le compromis budgétaire, c’est bien parce qu’ils ne voulaient pas assumer les conséquences d’une mise en cessation de paiement de l’Etat. Le populisme est rattrapé par la contrainte du réalisme.

Imaginons qu’il n’y ait pas de 49.3 en France et que les LR ne votent pas les budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale. Les conséquences seraient bien plus lourdes qu’aux Etats-Unis où le shutdown ne concerne que l’Etat fédéral et pas les Etats qui gèrent l’essentiel de la dépense publique.
En France, pas de budget au 1er janvier, ce serait 6 millions de fonctionnaires sans salaires, plus d’écoles, de lycées, d’Universités, plus de transports, plus de services publics, plus de prestations, plus de financement des hôpitaux, etc…

Evidemment, aucun parti politique ne prendrait jamais la responsabilité de créer un tel chaos.

Au fond, ce seraient aux Républicains américains d’envier leurs homologues Républicains français de disposer d’un telle assurance tout risque couvrant leur irresponsabilité.

Il est bien tentant de suggérer au Président et à la Première ministre de ne pas utiliser le 49.3 pour le vote des textes budgétaires et de mettre ainsi au défi les partis d’oppositions.

Prendraient-ils la responsabilité de provoquer un shutdowm à la française ?


Chiche M le Président ?

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