Il y a toujours eu des écrivains politiquement de droite - ce n’est pas le problème - Tesson avec sa « Gueule cassée » de poète décarboné est à l’image d’une identité résiliente très tendance, porté par la vogue d’un « éco-art » sur fond de fièvre anthropocène, comparable à la plume oubliée d’un Fernand Desnoyers, caricaturée en son temps par Nadar. Car contrairement au reproche attribué par la majorité des pétitionnaires à l’encontre de notre passereau de printemps, ce ne sont pas tant ses positions et ses affinités électives avec l’extrême-droite qui interrogent le plus - il y a même eut d’admirables poètes fascistes : de Gottfried Benn à Ezra Pound ; c’est plutôt que la poésie qu’il prétend incarner est des plus ingénue; et propose pour le coup une image réactionnaire du langage poétique.

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Et, pas plus qu’on ne fait de la littérature avec de bons sentiments, on n’écrit pas de la poésie avec des leçons de Mère ou de Papa Nature, l’amour des petits oiseaux, de caresses du vent furent-elle venues des steppes de la Sibérie, et mêmes de jolies montagnes ou autres platitudes tibétaines - sans compter, sûrement, son lot de phlyctènes et de cloques sous les pieds du marcheur monomane…Mais, laissons parler Baudelaire, lui-même, dans sa fameuse lettre adressée en 1853 à Fernand Desnoyer; qu’on pourrait aisément renvoyer à notre destinataire, voyageur et bravache :
« Mon cher Desnoyers, vous me demandez des vers pour votre volume, des vers sur la Nature, n’est-ce pas? sur les bois, les grands chênes, la verdure, les insectes — le soleil, sans doute? Mais vous savez bien que je suis incapable de m’attendrir sur les végétaux, et que mon âme est rebelle à cette singulière Religion nouvelle, qui aura toujours, ce me semble, pour tout être spirituel, je ne sais quoi de shocking. Je ne croirai jamais que l’âme des Dieux habite dans les plantes, et, quand même elle y habiterait, je m’en soucierais médiocrement, et considérerais la mienne comme d’un bien plus haut prix que celle des légumes sanctifiés. J’ai même toujours pensé qu’il y avait dans la Nature, florissante et rajeunie, quelque chose d’affligeant, de dur, de cruel, — un je-ne-sais-quoi qui frise l’impudence. »

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