C’est peu dire que la démarche de cette mécène membre de l’Association des amis du Palais de Tokyo, accusant via les réseaux sociaux l’institution de promouvoir une programmation « dictée par la défense de causes très orientées (wokisme, anticapitalisme, pro-Palestine, etc.) » a quelque chose de nauséabond dans sa forme même, en recourant au tribunal populaire façon « Valeurs actuelles », auquel la mécène s’est empressée de livrer un interview en forme de pamphlet.
Pour autant, il y a peut-être un travail critique à faire à l’égard de certains tropismes dominant les choix des commissariats et des partis pris redondants de cette institution. Mais il faut le faire précisément, sans généralisation abusive. Ainsi, l’exposition actuelle « Toucher l’insensé » autour de la psychothérapie institutionnelle, pertinente au regard de l’apport de cette pratique psychiatrique dans l’ouverture à l’altérité de la folie, et à celles des subjectivités en marge ou en devenir, trouve un écho manifeste avec ce trouble des identités propre à notre présent, tout en se greffant à l’histoire de la modernité artistique dans ses liens au surréalisme ou à l’art brut. Elle pose aussi le problème de la manière dont une institution psychiatrique ou culturelle doit se questionner pour guérir de ses habitudes, et de ses (dys)fonctionnements quasi pathologiques dans sa capacité à accueillir l’étrangeté psychique ou esthétique. Or cette exposition prétendant témoigner de ce moment si fécond d’une psychiatrie qui osa remettre en cause ses propres préjugés reste dans sa présentation volontairement « chaosmique » quasiment illisible pour un publique novice en ce domaine. D’ailleurs, l’enseignement de la psychothérapie institutionnelle visant à soigner l’institution en questionnant ses routines et ses micro-pouvoirs devrait s’appliquer, pour le coup, au fonctionnement même d’une institution comme celle du Palais de Tokyo ( ce que son directeur Guillaume Désanges recherche sûrement avec sa proposition de « permaculture institutionnelle »). Espérons que cette polémique actuelle sur cet espace de liberté artistique se fasse à l’aune de l’esprit inventif de cette période de la psychothérapie institutionnelle où la création irrigua tout autant les pratiques psy, que celles de l’art dans la mouvance des pensées de Lacan, Canguilhem, Oury, Tosquelles ou Félix Guattari.
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