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Avec ses entrelacs de couleurs envoutantes, ses arabesques de formes chamarrées, ses débordements graphiques et son joyeux tohu-bohu de légendes, Timothy Archer redonne à la peinture sa dimension pleinement libertaire et festive. Un parti-pris d’insouciance qui renoue avec la spontanéité joyeuse d’un Picasso ou d’un Combas, affirmant le pur plaisir de peindre. À l’instant même où le destin de notre siècle saigne, cette approche hédoniste de l’art n’a rien d’une indifférence nihiliste à la souffrance d’autrui. Elle participe plutôt d’une volonté de rendre à l’esthétique son caractère intempestif et libre.
De fait, l’heure est à la gravité. Le règne du sérieux et le poids des responsabilités envahissent partout les discours, reléguant le vagabondage d’esprit à des enfantillages de doux rêveurs. Avec sa peinture dionysiaque et ludique, Timothy Archer semble résolument sorti d’un douillet asile d’irresponsables ! Pourtant, les toiles et les dessins de Timothy Archer qui remplissent l’espace de la galerie Claire Corcia ne relèvent pas de la simple distraction insouciante ou du seul passe-temps dominical ! Ils sonnent plutôt, de leurs gammes chromatiques aux allures de free jazz, le rappel qu’il peut toujours se passer dans les arts, quelque chose qui porte à son incandescence ce qui braisait dans les dessous de la société.

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En affirmant l’importance des rythmes, des modulations, et des vibrations visuelles, Timothy Archer ne confère-t-il pas à son art un contrepoint salutaire à la rigidité mortifère de notre temps, avec ses soifs d’identité et ses fixations obsolètes ? Par ces mouvements en spirales invitant le regard à parcourir des paysages fantastiques peuplés d’étranges personnages, cette esthétique nous invite à accepter le passage et la fluidité, le fluant et le flottant, le bigarré et le mélange, comme autant de données inhérentes au caractère éphémère de l’existence.
Finalement, avec ces peintures rehaussées de pastels, Timothy Archer donne à voir le mouvement même de la vie, de ses genèses et de ses destructions, de ses vagues, et ses répétitions créatrices. Elle laisse également entrevoir l’origine de ce qui s’exprime sur terre, avec sa métamorphose incessante des dieux et des humains, des vivants - animaux, végétaux aujourd’hui menacés... D’où la dimension anthropo-cosmique de cette œuvre qui nous met en présence de notre place dans l’univers que nous oublions la plupart du temps. C’est sans doute la raison pour laquelle Timothy Archer travaille sur la toile peinte en enrobant ces mouvements de vagues, de tourbillons comme autant de formes génésiques.
Rarement le geste corporel d’un peintre s’était incarné aussi poétiquement dans l’espace, grâce à une écriture tracée à même la chair de la toile.

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C’est un art de « didascalies » qui accorde pleinement la priorité du gestuel et des costumes sur la parole en renouant avec une langue d’avant les mots ! En jouant l’affirmation d’une esthétique hautement rétinienne qui n’a nul besoin de bavardages ou de paratextes pour justifier sa présence, Timothy Archer revendique un « primitivisme » assumé dans lequel l’expression passe autant par la parole que par les gestes, les danses, les masques, les rites ou des signes marqués sur le corps, à rebours de notre monde immatériel où toutes les richesses d’expression s’étiolent.
D’ailleurs, Timothy Archer a approfondi son goût pour le primitivisme cher aux expressionnistes, en déménageant dans la capitale allemande afin de puiser à la source de la peinture contemporaine dont il s’est nourri, comme les toiles d’André Butzer, de Jonathan Meese ou d’un Bjarne Melgaard. Ce séjour aura cependant été l’occasion pour Timothy Archer de recentrer sa peinture, loin de son univers familier. Au contact de l’effervescence berlinoise, celle-ci s’est renouvelée formellement, délaissant la matière pour s’ouvrir à une palette chromatique plus vive, acide et fluorescente. Avec l’utilisation de la bombe qui donne à ses toiles un aspect parfois mat et poudré, le peintre a intégré dans son travail des éléments picturaux issus du Street Art.
De cette influence Timothy Archer en a tiré son amour des contrastes de couleurs et des formes qui impulse une rythmique sans égal à ses toiles abondamment cernées de noir. Pour cela le peintre les exécute au fusain et au pastel noir des dessins d’où jaillissent masques, démons, dieux, portraits et animaux fantastiques, avant de faire intervenir la couleur pour leur donner corps et texture. Les fonds savamment préparés, parfois entièrement couverts d’un noir profond permettent aux formes et à la lumière d’émerger. C’est le rythme de la main, qui impose ensuite son mouvement et fait apparaître, à l’huile et au pastel gras, les figures autour desquelles va s’organiser la composition.

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Les tableaux de Timothy Archer ne sont pas des fenêtres qui viendraient recueillir des données optiques quelconques, mais une surface sur laquelle s’imprime le geste de la main dans ses immenses fresques, la manualité emporte tout dans un débordement graphique. L’œil affolé se perd alors dans l’entrelacs et les délices des courbes et des couleurs.
Toutefois, si le peintre libère la manualité du respect des seules données visuelles en déployant toute l’énergie tonitruante de sa palette et le dynamisme de ses graphismes, il se prévient des risques du chaos, en construisant sa peinture autour d’une trame naïve, souvent teintée d’humour.
Comme l’écrit la galeriste Claire Corcia qui défend avec passion cet artiste : « Au coeur de ses toiles, où le totem, l’animal et le mythe se côtoient pour constituer une fable remplie de trophées, rythmée par des jeux de courbes et contre-courbes endiablées en synchronie avec la couleur. »

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Exposition " Des oiseaux et des dieux" Galerie Claire Corcia du 10 mars au 16 avril 2022
Lundi-vendredi 11h30-19h/ Samedi 14h-19h
www.galeriecorcia.com / contact@galeriecorcia.com
GALERIE CLAIRE CORCIA
323, rue Saint-Martin / 75003 PARIS / Tel :09 52 06 65 88 ou 06 62 84 03 74
Métro : Arts et Métiers ou Réaumur Sébastopol / Parking St Martin à proximité