En accordant le Prix Marcel Duchamp 2025 à Xie Lei, le jury a fait le choix d’une peinture sans véritable audace. C’est un peu comme si le festival de Cannes avait raté David Lynch en 1990…Certes, l’œuvre du peintre possède ses qualités, comme celles des autres lauréats Eva Nielsen ou Lionel Sabatté, mais elle ne peut être comparée à l’extrême richesse esthétique de la proposition offerte par Bianca Bondi, qui écrasait de toute sa puissance poétique la présente édition. Née en 1986 à Johannesburg, Bondi travaille à Paris.
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À propos de son installation Silent House, conçue spécifiquement pour le prix, et qui prend la forme d’une maison dont les pièces familières semblent soumises à une puissance corrosive intrigante, la jeune artiste déclare : « Mon travail est toujours traversé par une dimension mystique, car je souhaite montrer que le monde est fait de strates, et que l’invisible est une part essentielle de notre réalité. À travers cette fascination pour le mysticisme, je cherche à élargir notre perception du réel : il ne se réduit pas à sa dimension physique, il relève aussi de l’expérience sensible. C’est pourquoi j’invoque régulièrement des références scientifiques, et pourquoi j’utilise le sel, dont l’impact agit à la fois sur la matière et sur le corps. »
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De fait, avec ses installations en proie à d’étranges altérations, la plasticienne a le don de nous déstabiliser. L’émotion éprouvée au spectacle de ses « espèces d’espaces » ne provient plus de la confrontation avec le grandiose d’un paysage, comme dans le romantisme, mais de notre immersion dans ce temps a priori coutumier, qui bascule dans un devenir où l’humain et le non humain, la présence et l’absence, semblent se confondre lentement. Bref, nous passons de la promiscuité domestique à une sorte d’évanouissement dans un tsunami de matière moléculaire. Nature et culture, sont désormais inextricablement mêlées, en produisant un peu partout de doux effets de Larsen. « Une Vie mode d’emploi » sur fond de collapsologie généralisée ? Une apocalypse de l’Anthropocène à l’échelle d’un deux pièces loggia « mise en sel » somptueusement par Bianca Bondi - artiste du 3ème millénaire, en avance sur son temps.
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Bianca Bondi, Xie Lei, Eva Nielsen et Lionel Sabatté présentent leurs œuvres à l’étage des collections du MAM, en accès libre, du 26 septembre 2025 au 22 février 2026
https://www.mam.paris.fr/fr/expositions/exposition-prix-marcel-duchamp-2025