Une déesse ukrainienne trône majestueusement dans l'espace de la galerie Vallois. L'artiste fait signe vers notre sombre présent; et pourtant quoi de plus vivifiant que la musicalité des sculptures de Richard Di Rosa. Sa nouvelle exposition est un hymne à la vie. On y retrouve tous les ingrédients chers au sculpteur de la Figuration Libre : la joie, le rythme, et le mouvement. En renouvelant la statuaire, sans jamais la sacrifier à l’autel du business, Di Rosa parvient à aller chercher une forme d’épure de cet art, aussi exigeante que charnelle !

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Déesse Ukrainienne", 2022 de Richard DI ROSA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Vallois © Photo Éric Simon
La Figuration Libre a traversé de ses fulgurances les années 80. Avec Hervé Di Rosa, Combas, Blanchard, Boisrond, Jammes et d’autres, Richard di Rosa participa activement à l’aventure de ce mouvement, pour ensuite tracer son propre chemin, y compris à l’égard de son frère. Les dernières œuvres du sculpteur n’ont rien lâché de leur mordant !
Toujours prompt à être surpris, et à s’émerveiller de la puissance des matériaux qu’il utilise, il sait que l’art n’existe pas sans se conserver, et que la sculpture plus qu’aucun autre, doit résister au temps, aux modes et à l’histoire.
Ici on ne regarde pas l’œuvre. C’est l’œuvre qui nous touche, littéralement !
À l’image de l’artiste hypersensible, ouvert à toutes les intensités, ses œuvres évoquent parfois les Meidosem de Michaux, ces signes graphiques, homme et femme, animaux, indistinctement.
« Parce que frère de … et pointant mon museau au tout début des années 80, j’ai été rattaché à la Figuration libre. Mais le débat entre art abstrait et art figuratif n’est pas ce qui m’importe vraiment. Pour moi la ligne de partage est ailleurs, dans la sensibilité révélée où l’œuvre creuse à l’ectoplasme plat »
Richard Di Rosa cite volontiers Thérèse Bonnelalbay, cette créatrice d’art brut dont les dessins en forme de calligraphie japonaise, évoquent aussi ces formes « Meidoseim » qui débordent les classifications convenues de l’histoires de l’art.
« Je suis petit mais j’ai envie de jouer dans la cour des grands, là où les sensations et les émotions vous prennent à la gorge et vous donne le vertige. Je sais que pour les rejoindre, il faut se mettre soi-même en danger, laisser tomber les carapaces sociales et culturelles. »
D’ailleurs, comme tous les grands écorchés de l’art, Richard Di Rosa aime à révéler le corps sous l’organisme et ses raideurs sociales, en affectionnant les bustes de femmes africaines notamment :
« C’est la rondeur et la largesse qui ont dominé. Dans mon langage plastique, la rotondité est essentielle car elle est l’essence, la fécondité, le plein, les promesses d’un désir comblé. »

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"Alfred", 2022 de Richard DI ROSA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Vallois
Richard Di Rosa est un homme aux aguets, toujours prêt à toutes les expérimentations que lui offre la pratique de son art. Dans la lignée des grands primitifs de l’art, il offre un contrepoint salutaire à une esthétique trop souvent conceptuelle et bavarde. Il fait partis de ceux qui savent ramener l’art sur la terre ! Peu disert…Son iconographie renvoie indistinctement aux figures de femme, homme, animal à la manière d’un bestiaire de Robillard.
Rythmes, rythmes…
Qu’elle soit faite en résine moulée d’après un modelage en terre, en bronze, en métal peint laqué, en pierre taillée ou en assemblage d’éléments soudés, la sculpture de Richard Di Rosa prend forme à partir de divers matériaux, pour arriver à cette présence statuaire ramassée, centrée autour d’un point de gravité pour trouver l’équilibre parfait. Une rythmique d’enfer, et des protocoles de travail toujours multiples. Ici pas de procédé, pas de répétition ad libitum comme chez Orlinski où « l’on choisit la taille et la couleur. Mdr ! »
En revanche, il y a bien l’approfondissement d’un protocole sans cesse renouvelé, à l’instar de ceux qui animent les œuvres de Soulage, Warhol, etc. De fait, la statuaire de Richard Di Rosa s’inscrit dans une longue tradition Picasso, Calder, Joan Miro, auquel il rend régulièrement hommage.

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"Hommage à Miro", 1992 de Richard DI ROSA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Vallois
Dans le foisonnement de son atelier encombré de matériaux, d’œuvres en cours, de plâtres, son travail témoigne également d’une fascination pour le travail de la main. On l’imagine aisément prêt à tordre le coup à la première tige métallique qui se présente à ses doigts ou à mouler de ses mains trempées un nouveau plâtre. Si Rodin, aimait s’entourer d’une antiquité morcelée, Richard Di Rosa trouve son inspiration au milieu d’un assemblage hétéroclite alliant les figures de l’art brut, à un modelage néo-primitif, rugueux et torve, sur fond d’un riff de guitare. De cette jungle désossée, qu’il remodèle avec des corps tronqués, dépourvus de tête ou de bras ; des jambes détachées et des bustes maculés de couleur fauve, il enfante une madone africaine ou un nouveau totem. Rythme, rythme, Richard Di Rosa alterne les pleins et les vides, les rondeurs et les creux. Ici pas de facéties. Juste un socle pour suggérer le pied, une forme d’ectoplasme pour le corps, un œil cerné, le tout peint et fixé sur la tête, et basta ! Pas d’anecdote ! Peu d’organes…

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"Elvis", 2022 de Richard DI ROSA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Vallois © Photo Éric Simon
De la musique avant toute chose !
Ici pas de rigidité non plus, mais de la danse ! La statuaire traditionnellement pensée comme l’art du repos, par opposition aux arts du mouvement (la danse, le théâtre, l’éloquence, etc.), est résolument dégagée de son ancrage occidental classique. C’est le défi que Richard Di Rosa a su réaliser depuis 1992 en donnant à la Cité de la Musique un ensemble de sculptures incarnant des allégories de la musique (écouter, voir, pratiquer, comprendre, et diriger la musique). Il fallait tout le génie de l’artiste originaire de Sète pour capter l’instant du jeu musical, l’art le plus insaisissable par excellence.
Ses sculptures d' Elvis et de Jerry Lee Lewis sont des merveilles. Let's Go !

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"Jerry Lee Lewis", 2022 de Richard DI ROSA - Courtesy de l'artiste et de la Galerie Vallois © Photo Éric Simon
À voir jusqu'au 2 juillet
Galerie Vallois
35, rue de Seine
75006 Paris
https://www.galerierobertvallois.fr/
Jours et horaires d’ouverture : du mardi au samedi, de 10h à 13h et de 14h à 19h.

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