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Ces mémoires minuscules et mineures font pourtant de chaque individu un être unique et, à ce titre, doivent être sauvées. L’artiste Christian Boltanski en avait fait un rituel. J’ai retrouvé, hier, ce témoignage écrit par mon oncle Jean Louis Godin, peu de temps avant qu’il ne meurt. « Le vendredi 1er septembre 1939 il faisait un temps spendide. Nous étions à Médan, ma mère, mon petit frère Robert et moi, depuis le début des vacances scolaires. Je me souviens précisément que je n’arrivais pas à croire que des hommes allaient s’entretuer, alors que la nature me paraissait si belle et si paisible, si grouillante de vie avec les oiseaux, les papillons, les abeilles, les sauterelles (à l’époque on n’utilisait pas d’insecticide, la campagne grouillait d’insectes).
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L’après-midi touchait à sa fin, mon frère et moi jouions avec nos soldats de plomb, quand nous avons vu s’élever vers l’horizon des ballons captifs censés protéger les villes des attaques aériennes. C’était bidon, mais de les voir nous a ramené à la réalité, et nous n’avons plus du tout eu envie de jouer à la guerre. »
Le même jour, l’Allemagne envahissait la Pologne, la France et l’Angleterre entraient en guerre. Mon oncle avait 14 ans, mon père n’en avait que 12 - à peu près l’âge de ces centaines de milliers d’autres gamins qui partiront quelques mois plus tard au camp d’extermination d’Auschwitz-Birk. Aujourd’hui, qu’ils ne sont plus là, et qu’il y a beaucoup moins d’oiseaux ou de papillons sur terre, les enfants dit-on continuent toujours de jouer à la guerre.