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À l’heure où les conséquences de la guerre en Ukraine ont des répercutions de plus en plus perceptibles et pesantes sur notre vie quotidienne, les Européens qui, dans un élan inattendu et généreux se sont engagés du côté de l’Ukraine envahie, manifestent plus qu’une lassitude inquiète, un certain rejet d’un drame qui ne parait pas être le leur. Et pourtant dès octobre le maître du Kremlin a proposé à Joe Biden un partage d’influence sur l’Europe, cette péninsule eurasiatique, allant jusqu’à menacer, par la voix de son fidèle ministre Lavrov et de sa doublure Medvedev, les capitales européennes de destruction nucléaire. C’est la faiblesse du ventre mou de cette soft power qui lui a même donné confiance. L’Ukraine est le verrou à faire sauter vers l’Ouest.
Incompréhensible pour le dictateur fut cet enlisement immédiat de sa « deuxième armée du monde » face à un peuple agressé, s’armant de son courage avant même que l’aide occidentale ne lui parvienne, prêt à défendre sa terre, son histoire au nom du labeur de ses ancêtres et de leur calvaire enduré sous la dictature soviétique. En 1932 l’Holodomor, cette grande famine voulue par Staline, fit des millions de morts, suivie de la déportation des élites et des intellectuels.
Car c’est pour leur soif d’Europe qu’ils subissent les pires sévices, la destruction de leur pays, le martyr de la population civile. Ils veulent vivre libres, debout dans le respect du droit humain et rejoindre l’UE. Que peut une armée de mercenaires contre un peuple debout. En 1792 l’Histoire nous rappelle que la bataille de Valmy fut remportée par les volontaires de la Révolution sur l’armée coalisée commandée par le duc de Brunswick. Face à la victoire inattendue de « ces va-nu-pieds superbes sur le monde ébloui » (Victor Hugo), Goethe qui assista à la bataille aux côtés du Duc de Saxe-Weimar, s’écria : « d’aujourd’hui et de ce lieu date une ère nouvelle dans l’histoire du monde ». Que peut un dictateur isolé dans sa folie ? Tuer, tout anéantir et entrainer le monde dans un conflit mondial.
Il n’est pas possible de laisser un pays fut-il protégé par son arsenal nucléaire, fouler au pied le droit international et décider de mettre en esclavage un peuple européen souverain aux dépens des valeurs qui garantissent nos démocraties. C’est pourquoi 44 pays, conscients de partager le même destin soit toute l’Europe y compris le Royaume-Uni, ont répondu à la proposition de ce nouvel espace de coopération du Président
Macron, la Communauté Politique Européenne (CPE) et ont souscrit à Prague le 1er novembre une avancée très peu médiatisée de cette espérance naissante d’un avenir à bâtir ensemble.
Après la fin de la guerre, il s’agira aussi de rebâtir les institutions internationales, très ébranlées aujourd’hui et pourtant si soigneusement élaborées depuis la deuxième guerre mondiale pour protéger le monde de nouvelles conflagrations. Il nous faudra du temps avant de réguler à nouveau le développement économique face au chaos géopolitique qui nous menace aujourd’hui et imaginer un nouvel espace-monde en y intégrant alors aussi la Russie. Mais c’est une autre histoire.
Monique Beltrame
* Présidente du Comité Européen Marseille