Il s'agissait pour les choristes marseillais, rejoints spontanément par de nombreux passants (certains avec leurs enfants), de soutenir moralement un jeune Rennais de 27 ans, condamné pour avoir chanté... une chanson de Brassens. Et de manifester leur soutien à leurs copains de la chorale "La Canaille du Midi", interpelés pour la même raison avec d'autres personnes par la police à Toulouse.
La performance dans la ville rose n'a jamais dépassé le niveau d'un joyeux charivari. Rien de bien méchant. Comme la prestation du jeune Rennais au balcon de son domicile à Cherbourg, en 2009... Dans la nuit du 24 juillet 2009, à l'issue d'une soirée un peu trop arrosée, il a entonné sur un balcon de la bonne ville de Cherbourg, "Hécatombe", une chanson de Georges Brassens qui évoque une bataille « tétonnesque », livrée contre des gendarmes du Sud-Ouest par des "furies aux larges fesses", de plantureuses commerçantes du marché de Brives-la-Gaillarde. La prestation du Breton avait été suivie par deux fonctionnaires de police. Elle leur a déplu. Ils ont déposé plainte. Le chanteur a été condamné après avoir été traduit, chose à peine croyable, en correctionnel. Le juge a suivi le réquisitoire du procureur de la République de Rennes. La sentence est tombée le 27 mai 2011 : 40 heures de travail d’intérêt général et 100 euros à verser à chacun des deux policiers « outragés »... par une chanson de Georges Brassens (Ouest France, 30 mai 2011). Notons que Brassens met en scène dans sa chanson le combat épique mené par des militaires. Pas par des fonctionnaires ! Une chanson « outrageante » ? Que dire de celle de Carla Bruni, l'égérie du président Sarkozy, qui murmure à l'oreille d'un CRS : "Tu es ma came... Plus mortelle que l’héroïne afghane/ Plus dangereux que la blanche colombienne... ? " Ou de celle, hurlée à tout berzingue, de Pascal Henry dit Abdul X, auteur-compositeur et interprète du pitoyable "Tirez sur les keufs !" (Le Point, 16 juin 2011) ? " Le jeune Breton, lui, a "outragé" deux fonctionnaires avec une chanson inscrite à notre répertoire national. Avec leurs chansons de corps de garde, tradition oblige, nos gendarmes, vaillants militaires plutôt bons vivants, sont "blindés"... Jamais l'idée de déposer plainte ne leur a traversé l'esprit. Même pas contre Brassens qui les a fait combattre contre les furies de Brive-la-Gaillarde ! Perdre un combat pour un militaire n'est pas toujours déshonorant comme le prouve notre histoire nationale.
"Mort aux vaches et vive l'anarchie ! "
Les fonctionnaires du ministère de l'intérieur, eux, comme ceux de la justice, sont restés insensibles à l'humour du pays profond et aux rondeurs rabelaisiennes de nos gaillardes commerçantes corréziennes... Vous connaissez la suite ! À tout le moins, un beau sujet de dissertation pour les professeurs de littérature française. Pour retenir l'attention de leurs élèves et les motiver ! La chanson française, qu'elle soit de Brassens ou de Carla Bruni, défie toujours les autorités... qu'on se le dise : "Mort aux vaches et vive l'anarchie ! "
"Le nucléaire, raison du tour de vis judiciaire ?"
Les poursuites judiciaires étaient motivées par une chanson définie comme « outrageante ». Mais des esprits chagrins s'interrogent : "était-ce bien la seule raison des poursuites ordonnées par le procureur... ?", un magistrat aux ordres du gouvernement comme chacun sait.
Il règne depuis quelques années une drôle d'ambiance dans le Cotentin (Normandie) et la Bretagne limitrophe où des manifestations se multiplient...
La centrale nucléaire de Flamanville, qui n'en finit pas de s'agrandir (une nouvelle tranche sera mise en service en 2014 selon l'EDF) et l'extension du Centre de retraitement de la Hague, "sur-dimensionné par rapport à nos besoins nationaux", dit-on, entretiennent une anxiété palpable, pas seulement dans le Cotentin mais aussi en Bretagne.
Toujours en Normandie, la centrale de Paluel (pays de Caux) donne des inquiétudes depuis plusieurs mois (« Incidents en série à la centrale de Paluel » par Jade Lindgaard et Michel Pracontal – Mediapart - édition du 22 juin 2011) avec des fuites d'eau du circuit primaire, des gaines de combustible défectueuses et des travailleurs contaminés...
Le réquisitoire du parquet est intervenu en pleine tragédie de Fukushima.
Le tour de vis judiciaire, qui limite la liberté d'expression, conforte le point de vue des écologistes qui dénoncent la société policière à laquelle conduirait inexorablement le nucléaire.
Mais à Marseille, la plus ancienne ville de France, les rapports entre la police et la population sont au beau fixe. Ici, les « cognes » sont plébiscités. On en redemande !
Le 16 juin, comme tous les jours de la semaine, les personnels du commissariat de Noailles avaient d'autres chats à fouetter que d''interpeler des choristes, et leur dresser procès-verbal. En tout cas, pas pour outrage à agent de la force publique... sauf si la partition avait été massacrée !
Dans le Sud-Est et à Marseille en particulier, on apprécie le bel canto.
Condamnera-t-on pour avoir chanté la Marseillaise, un hymne national qui juge impur le sang des Français ?
Vie artistique, culturelle... "patriotique", n'ayons pas peu du mot ! On est en droit de s'interroger sur les conséquences du jugement rennais. Théâtre de marionnettes : Guignol pourra-t-il continuer à rosser les gendarmes ? Manipulateurs et comédiens ne risquent-ils pas de se retrouver devant un juge sur la plainte, sans doute pas d'un militaire, mais d'un fonctionnaire dont l'enfant aurait été « traumatisé» par le spectacle... une circonstance aggravante ? Pourra-t-on continuer à entonner la Marseillaise dans le stade de l'OM ? Voire pendant les commémorations officielles de la Libération, en Normandie comme en Provence ? "Aux armes Citoyens !.... Qu'un sang impur abreuve nos sillons !" Incitation à la violence et la haine raciale... contre le peuple français ? Son sang n'est-il pas qualifié "d'impur" ? À vouloir tout judiciariser... Philippe LEGER
VIDÉO
Hommage à Brassens - Noailles 16 juin 2011
Site de la Lutte enchantée
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