Philippe Maitre

Abonné·e de Mediapart

17 Billets

1 Éditions

Billet de blog 7 mars 2020

Philippe Maitre

Abonné·e de Mediapart

Le féminisme ne fait pas exploser de couilles

Une petite journée, seulement. Mais une occasion de (re)dire des choses fondamentales. Personnellement j'ai deux trois trucs à dire à mes mâles camarades.

Philippe Maitre

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

  Revoilà le 8 Mars.

  Messieurs, aujourd’hui je m’adresse à vous, pour essayer d’éclairer vos lanternes sur quelques points, au cas où vous feriez partie de ceux qui ne supportent pas le féminisme et la liberté des femmes.

*

   Il y a certains d’entre nous qui trouvent que les choses sont bien comme elles sont. Mettez donc de côté votre paresse intellectuelle et votre manque d’empathie pour regarder les choses en face : nous avons tous les pouvoirs, étant au somment de toutes les hiérarchies (militaires, religieuses, politiques, artistiques, etc.). Bien sûr, vous ne faites pas forcément partie de «l’élite», mais même à une échelle plus modeste, nous possédons nombre de privilèges indéniables.

  On ne se verra pas demander si on souhaite avoir des enfants en entretien d’embauche, ni fliquer pour voir si notre ventre s’arrondit – d’ailleurs un gros bide ne nous voudra pas de remarques sur notre physique, ou si peu.

   Les jours d’affluence dans les transports, nous ne subirons pas les assauts de frotteuses, ni ne craindrons de marcher seul dans la rue la nuit de peur de subir un viol (si une mauvaise rencontre peut concerner un homme, s’il peut se faire se faire refaire le portrait par un agresseur, ce que peut aussi subir une femme, un viol est une horreur autrement plus terrible).

   On ne subira pas les tentatives minables de drague vingt fois par jour par des gars qu’on trouve moches, mal élevés, stupides et relous.

   On ne se verra pas renvoyer à notre « instinct » maternel quand l’ensemble de la société s’en prendra à nous pour notre manière non-conforme d’élever nos gosses.

   On ne se verra pas considérer comme la bonniche à la maison.

   On ne se verra pas affubler de tout un tas de mots vexants dans des tas de situations qui n’ont pourtant rien d’anormales : si on aime boire, si on aime baiser, si on aime les jeux vidéos, les arts martiaux, etc. Parfois juste comme ça… « femme au volant »… « femmes à lunettes »...

*

   Pour continuer dans l’inlassable litanie dont les machistes parmi nous font preuve vis-à-vis des luttes des femmes, il y a l’idée que les femmes vont tout nous prendre, nous castrer et faire manger nos coucougnettes à leur chat un soir de pleine Lune. Non seulement elles ne sont pas contentes de leur sort, mais elles voudraient même notre part.

   Comme tous les mouvements révolutionnaires, les luttes féministes n’ont pas pour but de tordre le bâton dans l’autre sens, de prendre aux hommes et de tout donner aux femmes, de faire des hommes des femmes dominées… de se venger !

   Il ne s’agit pas du tout de partager le gâteau autrement. Il s’agit de faire un nouveau gâteau, plus grand, et aux goûts infiniment variés. Il s’agit de combattre les normes sexistes et de rendre les femmes ET les hommes plus libres. Les hommes ont aussi un rôle à respecter, des pleurs à ravaler, surtout quand ils ne veulent pas être des brutes épaisses, et qu’ils ont pris conscience de leur statut de dominant.

   Le féminisme, c’est la possibilité d’affirmer son identité personnelle hors de l’oppression, de la domination ; et le fait de n’être plus dans l’obligation de se comporter de la manière dont on a été élevé.e.

*

   Bien sûr, nous ne pourrons, femmes et hommes, être libres que dans une société libre. En chemin, nous subirons toujours des tas de normes.

   Messieurs, si vous n’avez pas encore goûté à cela, essayez donc de fréquenter des féministes, des femmes qui pensent par elles-mêmes et qui se battent pour leur liberté. Mettez votre machisme de côté, pour pouvoir voir à quel point la libération rend les femmes heureuses. Et n’oubliez pas que loin de vous voler quelques chose, cela vous rendra aussi plus libres. Si j’impose un rôle à l’autre, je m’en impose un aussi ; ma liberté suppose sa reconnaissance par les autres, libres.

Bonne journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.