Pour nous, français originaires de Nancy, la ville de Kyriat Shmona, située dans le nord de la Galilée, tout au nord d’Israël, revêt une importance particulière, car elle est jumelée avec notre ville.
Quand nous sommes allés visiter Kyrat Shmona en 2018, le gardien du musée, situé dans l’ancienne mosquée du village palestinien d’Al Khalisa, nous a expliqué que les palestiniens étaient déjà partis quand les israéliens sont arrivés en 1948.
Cette année, nous avons été visiter les camps de réfugiés palestiniens au Liban et notamment celui de Borj El Shemali, près de Tyr. Nous avons eu la possibilité d’y rencontrer des survivants de la Nakba[1], chassés par l’armée israélienne en 1948. Ils nous ont raconté ce qu’ils n’oublieront jamais. C’est une dame âgée qui nous parle, accompagnée de son mari :
« Nous avions 5 et 6 ans. Le village comportait un caravansérail[2] où l’on vendait de tout : des légumes au bétail. L’école de notre village était une école coranique et, pour apprendre les matières non religieuses, nous allions dans un village voisin. Mon père allait souvent au Liban tout proche pour y vendre des oranges et des citrons. Un matin, les soldats israéliens sont arrivés au village, avec une voiture surmontée d’un haut-parleur. Ils criaient : « partez, partez tout de suite sinon nous allons vous tuer !». Avec mes cinq frères, nous sommes sortis précipitamment avec un maigre baluchon, et nous avons marché très longtemps dans une vallée, pieds nus sur les cailloux. Un de mes frère est mort sur la route, car nous étions bombardés. Plus loin, nous avons été pris en charge par une calèche. Il y a ici [dans ce camp]4 ou 5 personnes qui sont aussi originaires de notre village. Tous sont partis avec presque rien, persuadés qu’ils allaient revenir rapidement. Nous avons fait halte dans plusieurs villages sur la route. Nous nous sommes arrêtés dans une maison, mais là aussi les soldats israéliens sont venus nous intimer l’ordre de partir immédiatement. Ils ont tué les garçons qui étaient là et nous les avons vu entourer la maison de mines et les mettre à feu, faisant s’écrouler la maison sur les habitants qui n’étaient pas sortis assez vite. Nous avons marché des jours durant, sans même pouvoir nous reposer. Finalement, nous sommes arrivés à la frontière libanaise, située à une journée de marche. Là nous avons été conduits au camp de Quasmiyyeh, près de Tyr ou des tentes avaient été montées pour nous. Plus tard, nous avons été transférés ici, à Borj El Shemali. Nous avons d’abord construit des baraques, puis les européens sont venus nous aider à construire en dur[3]. Nous n’avons jamais pu revenir dans notre village". Ils nous montrent une copie de leur extrait de naissance prouvant leur origine. Beaucoup de palestiniens ont conservé une clef de leur maison, car ils croyaient pouvoir revenir chez eux. Plus de 600 villages palestiniens ont été ainsi rasés et rayés de la carte par l’armée israélienne, mais une association israélienne, Decolonizer, a retrouvé ces villages et en a produit une carte précise. Aujourd’hui, tous se souviennent de leur village d’origine et exigent le droit au retour
[1] Ce que les palestiniens appellent la Nakba (désastre, ou catastrophe), est l’exode forcé des palestiniens lors de l’invasion de leur pays par l’armée israélienne en 1948.
[2] Le caravansérail est un bâtiment qui accueillait les marchands et les pèlerins le long des routes et dans les villes, au moyen orient. (source Wikipedia). Ce bâtiment, ainsi que la mosquée, est encore visible aujourd’hui.
[3] L’UNWRA, Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, a été créé fin 1949. Son existence est aujourd’hui menacée par les retrait des USA du financement de cet organisme.