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Billet de blog 16 octobre 2009

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De la futilité des plans de relance

De l'aveu même de Recovery.gov, le site internet créé par le Congrès des Etats-Unis pour suivre à la trace la mise en œuvre du plan de relance de 787 milliards de dollars imaginé par l'administration Obama au printemps, le seuil des cent premiers milliards déboursés vient tout juste d'être franchi fin septembre (auxquels il faut ajouter 60 milliards d'allègements fiscaux).

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De l'aveu même de Recovery.gov, le site internet créé par le Congrès des Etats-Unis pour suivre à la trace la mise en œuvre du plan de relance de 787 milliards de dollars imaginé par l'administration Obama au printemps, le seuil des cent premiers milliards déboursés vient tout juste d'être franchi fin septembre (auxquels il faut ajouter 60 milliards d'allègements fiscaux). Au même moment, les prévisions économiques d'automne du Fonds monétaire international confirment que la croissance américaine, après une performance négative de 3,4% cette année, retrouvera en 2010 une modeste progression de 1,3 %. Conclusion: le jour où une injection de dépenses publiques de 100 milliards de dollars pourra «retourner» une économie de 14.000 milliards, les éléphants seront roses et ils voleront.

Trois économistes de renom, John Cogan, John Taylor et Volker Wieland ont décortiqué l'impact macro-économique du plan de relance américain: leur verdict est que moins du cinquième du retournement conjoncturel entre le premier et second trimestre de 2009, soit un retour du balancier équivalent à 5,4% du PIB, peut être attribué aux mesures prises par le gouvernement fédéral. Le redressement tient pour l'essentiel à la reprise de l'investissement des entreprises privées, qui s'est stabilisé au début de 2009, bien avant l'adoption du plan de relance, pour rebondir ensuite au second trimestre. Quant à la consommation, objet des attentions de la dépense publique, elle continue à apporter une contribution négative à la croissance américaine.
Et ce n'est pas fini. Le consommateur en dernier ressort est entré en hibernation. Face à la remontée du taux d'épargne des ménages américains, partant de zéro en marche vers les 8 ou 9%, les incitations gouvernementales temporaires ne pèsent pas lourd. Comme le notent les trois économistes, il y a déjà cinquante ans que Milton Friedman et Franco Modigliani ont mis à mal la vulgate keynésienne du soutien à la consommation.
La vérité, c'est que le multiplicateur keynésien, invoqué par les économistes entourant Obama pour promettre la création de 3,6 millions d'emplois grâce au plan de relance, n'est pas un multiplicateur. Un dollar de stimulation budgétaire ne fabrique pas un dollar de PIB. 20 cents dans le meilleur des cas, et moins encore peut-être. Et ceci sans tenir compte des retombées indésirables de cette orgie budgétaire, des risques de fraudes (on en a déjà identifié un certain nombre) à la mauvaise allocation des ressources en passant par la dégradation accélérée des comptes publics, ce qui dans un pays massivement endetté vis-à-vis de l'étranger comme les Etats-Unis n'est peut-être pas la meilleure des prescriptions.
Dans le salmigondis à quoi ressemble la politique économique et budgétaire du gouvernement français (on tremble à l'idée qu'il ait encore autorité sur la politique monétaire, comme dans les années 70 ou 80), il y a un point positif : la grande modestie du plan de «relance». Que cette modération soit l'effet d'un réflexe de sagesse ou la traduction de l'absence de marges de manœuvre d'un pays à la dérive budgétaire depuis un quart de siècle, c'est le résultat qui compte. Malheureusement, le «grand emprunt», qui sera par construction une mauvaise affaire financière pour l'Etat, risque de compromettre cette abstinence bienvenue.
La stimulation budgétaire doit-elle pour autant être bannie en tous temps et en tous lieux? Pas nécessairement. Il semble que le très considérable programme chinois puisse atteindre son objectif puisque, dixit le FMI, le taux de croissance de la Chine déviera très peu cette année de sa tendance longue, proche ou supérieure à 9% l'an, en dépit du trou d'air traversé par la demande externe. Mais il s'agit encore d'une «économie de commande», où la politique gouvernementale dispose de larges canaux de transmission et de puissants relais, à commencer par le système bancaire.
S'agissant des économies de marché avancées, l'exemple du Japon des années 90 du siècle dernier avait déjà démontré que la stimulation keynésienne était d'un rendement plus que médiocre accompagné d'effets secondaires dangereux, à commencer par la ruine des finances publiques. Mais dans la relance budgétaire, le faire savoir importe plus que le savoir faire.

Publié initialement sur Orange.fr, le 6 octobre 2009