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Billet de blog 22 juin 2010

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Obscénités républicaines

La crise financière mutant de la débâcle bancaire à la grande frayeur sur les dettes souveraines, l'attention glisse logiquement des bonus des traders aux prébendes des politiciens. Ceux qui n'avaient pas de mots assez durs sur le manque de «transparence» de la finance moderne assistent à une lente levée du voile qui couvrait pudiquement leurs petits arrangements entre amis, aux frais du contribuable.

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La crise financière mutant de la débâcle bancaire à la grande frayeur sur les dettes souveraines, l'attention glisse logiquement des bonus des traders aux prébendes des politiciens. Ceux qui n'avaient pas de mots assez durs sur le manque de «transparence» de la finance moderne assistent à une lente levée du voile qui couvrait pudiquement leurs petits arrangements entre amis, aux frais du contribuable.

Ces obscénités républicaines, cette corruption institutionnalisée, faisaient partie depuis toujours des faux frais de la démocratie version «latine». Il aura fallu que l'Etat soit au bord de la faillite pour que l'on passe du haussement d'épaules à des promesses de réforme, dont il faudra vérifier avec le temps si elles sont effectivement tenues.
La compétence de Mme Christine Boutin en matière de mondialisation (mission à 9.600 euros nets mensuels) est à peu près du même tonneau que celle de Xavière Tiberi sur la «francophonie et la coopération», que l'«auteur» du rapport devenu célèbre avait facturé près de 270.000 francs au Conseil général de l'Essonne. Il faut espérer que le ou les «nègres» qui probablement tiendront la plume de la très chrétienne ex-ministre du Logement et de la Ville commettront moins de fautes d'orthographe que celui ou ceux qui avaient planché pour la mairesse par mariage du Vème arrondissement de Paris.
Sur RTL, radio «populaire», une «polémiste» qui «refait le monde» à l'heure des cocktails, a vite passé l'éponge sur le cas Boutin au prétexte que la «tradition républicaine» imposerait de recaser les politiciens au rancart. Etrange tradition, singulière République et curieuse «polémiste». Il est vrai que les exemples abondent de ces élus ou anciens élus, qui se servent plutôt que de servir, de ces «fromages» que la République laisse tomber comme à Gravelotte dans le bec des remerciés du suffrage universel.
Qui s'est ému de la nomination de Roger Karoutchi comme ambassadeur et représentant permanent de la France auprès de l'OCDE, sans doute pour le consoler de n'avoir pas obtenu l'honneur de conduire l'UMP à la défaite lors des élections régionales ? En quoi cet agrégé d'histoire et ancien sénateur est-il qualifié pour «travailler» (combien d'heures par semaine?) auprès du «think tank» économique des pays les plus développés, en lieu et place du haut fonctionnaire compétent et expérimenté auquel le poste aurait du revenir? Le sous-ministre Joyandet a-t-il été prié de rendre son modeste tablier après avoir gaspillé 116.000 euros d'argent public dans un aller-retour en jet privé vers un des confettis de l'Empire ?
Certes l'exemple vient de haut, comme en témoigne l'explosion des frais de fonctionnement de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, et les anciens ministres ne sont pas les seuls à se goinfrer dans les auges de la République. Qui s'interroge sur le rapport coût/bénéfice du Conseil Economique et Social, maison de retraite dorée d'anciens syndicalistes et de demi-soldes de la partitocratie?
Anecdotique? Pas du tout. D'abord parce que le cumul de ces avantages, passe-droits, missions «bidons», voitures (70.000 pour l'Etat français) et logements de fonction, retraites privilégiées, organismes plus ou moins fantômes, commissions et comités divers et variés, finit par représenter des montants considérables. Ensuite, dans un pays qui n'a que «l'égalité» à la bouche, ces mœurs délétères confortent l'idée, désastreuse pour l'esprit civique, que certains sont beaucoup plus égaux que d'autres. Enfin et surtout, de très nombreux travaux académiques ou études d'institutions multilatérales comme la Banque Mondiale ont exploré les liens étroits entre corruption et sous-développement. Et aujourd'hui, pour les pays avancés, entre gonflement de la dette publique et anémie de la croissance. L'Etat de droit, des institutions solides, une vie démocratique saine, figurent parmi les éléments essentiels de la compétitivité globale d'une nation, de la capacité à vivre et travailler ensemble.

Publié initialement sur Orange.fr, le 15 juin 2010.