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Billet de blog 29 décembre 2009

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Le yuan, le yuan, le yuan...

Une nouvelle fois, les deux Jean-Claude (Juncker et Trichet) et leur comparse Joaquin (Almunia) ont fait le voyage de Pékin pour aller convaincre la Chine de réévaluer le yuan, ce qui serait, disent-ils, dans l'intérêt bien compris de l'économie chinoise. Comme les hiérarques de Zhongnanhai estiment savoir mieux que quiconque ce qui est bon pour la Chine, notre trio est évidemment rentré bredouille. Les Chinois n'allaient pas accorder aux Européens, fût-ce en marge du sommet annuel UE-Chine, exercice protocolaire vide de sens, ce qu'ils venaient tout juste de refuser à Barack Obama, en visite d'Etat dans l'empire du Milieu.

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Une nouvelle fois, les deux Jean-Claude (Juncker et Trichet) et leur comparse Joaquin (Almunia) ont fait le voyage de Pékin pour aller convaincre la Chine de réévaluer le yuan, ce qui serait, disent-ils, dans l'intérêt bien compris de l'économie chinoise. Comme les hiérarques de Zhongnanhai estiment savoir mieux que quiconque ce qui est bon pour la Chine, notre trio est évidemment rentré bredouille. Les Chinois n'allaient pas accorder aux Européens, fût-ce en marge du sommet annuel UE-Chine, exercice protocolaire vide de sens, ce qu'ils venaient tout juste de refuser à Barack Obama, en visite d'Etat dans l'empire du Milieu.

L'intérêt de ce déplacement européen, c'est de confirmer qu'il y aurait bien une politique de changes de la zone euro. Histoire de rassurer le chœur des pleureuses qui voient dans l'euro «cher» l'alpha et l'oméga de toutes nos difficultés. Et que cette politique est bien cogérée par l'Eurogroupe (premier Jean-Claude), la Banque centrale européenne (deuxième Jean-Claude) et la Commission de Bruxelles (Joaquin). Histoire aussi de démentir ceux qui pensent que les Traités n'ont rien prévu en cette matière, se contentant de confier à la banque centrale la responsabilité exclusive de la stabilité interne de la monnaie unique.
La difficulté, évidemment, c'est que cette politique de changes paraît quelque peu monomaniaque. Le yuan, le yuan, le yuan... Notre trio institutionnel est beaucoup plus discret quand il s'agit du dollar américain, dont la contribution aux désordres monétaires ambiants est pourtant autrement plus ancienne et plus substantielle que celle de la devise chinoise. Sur ce sujet, Jean-Claude Trichet se contente généralement d'attirer l'attention sur «l'attachement des dirigeants américains à un dollar fort». Sans rire.
Les Chinois, qui font les fins de mois du Trésor américain depuis des années, n'ont pas cette délicatesse. A la veille la visite officielle du président des Etats-Unis en Chine, ils ont fustigé l'irresponsabilité de la politique monétaire de la Réserve Fédérale (taux zéro, planche à billet tournant à plein régime) qui sape le billet vert et recommence à alimenter des bulles spéculatives. Difficile de leur donner tort quand on sait que les banques européennes s'alimentent en dollar auprès de la BCE, grâce aux accords de swaps mis en place avec la Fed depuis le début de la crise financière, pour aller ensuite jouer sur les marchés, notamment contre...le billet vert. Avec plus de 2.000 milliards de dollars de réserves officielles investies en grande partie en dette obligataire du Trésor ou d'autres emprunteurs américains, les Chinois ont quelques raisons de s'inquiéter de l'avenir de leurs placements.
La crise financière «Made in America» a interrompu le mouvement graduel de réévaluation du yuan engagé par la Chine en 2005. En pondération commerciale, il a reculé de 9% entre février et octobre, après avoir gagné 14% au cours des huit mois précédents. Comme si le leadership de Pékin, obsédé par la stabilité, attendait de comprendre ce que sera la situation de l'économie mondiale après que la poussière soit retombée. Le plan de relance interne engagé par la Chine est sans équivalent dans le monde, aboutissant à ce que l'économie chinoise reprenne très vite le chemin d'une croissance à deux chiffres en dépit du recul marqué des exportations. L'excédent des comptes courants, qui est pour la Chine, contrairement au Japon, un phénomène relativement récent, va retomber à moins de 7% du PIB cette année, venant d'un pic de 11% en 2007.
Pourtant, comme le prévoit Arthur Kroeber de Dragonomics, il est probable que le gouvernement de Pékin relancera la réévaluation du yuan dans le courant de l'année 2010. D'abord sous la pression des autres pays émergents, en concurrence directe avec les produits chinois à l'exportation, et qui manifestent de plus en plus ouvertement leur irritation devant la sous-évaluation de la devise chinoise provoquée par son lien fixe avec un dollar à la dérive. Le Vietnam vient de procéder à une dévaluation du dong et la Chine, si fière d'avoir incarné la stabilité monétaire pendant la crise asiatique de 1997-98, n'aucun intérêt à déclencher une spirale de dévaluations compétitives.
Ensuite parce que la faiblesse du yuan peut en effet déboucher sur une vague inflationniste, touchant les biens et surtout les actifs, contre laquelle la meilleure prévention serait une appréciation régulière de la devise. Quant à la convertibilité totale du yuan, dont la valeur serait dés lors fixée par le marché et non plus par le gouvernement, il ne faut pas y compter avant longtemps. Le système financier chinois toujours fragile n'y est pas préparé et surtout le désordre et l'absence de coordination caractérisant l'actuel non-système monétaire international encore dominé par le dollar fournissent à Pékin une excellente excuse.

Publié initialement sur Orange.fr le 2 décembre 2009