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Billet de blog 31 août 2009

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Bernanke 2.0 ? : une question mal posée

Publié initialement sur Orange.fr le 23 août 2009.  Les économistes interrogés régulièrement par le Wall Street Journal, les mêmes qui n'avaient rien vu venir et annoncent maintenant la fin de la récession américaine, sont quasiment unanimes à souhaiter la reconduction de Ben Bernanke à la tête de la Réserve Fédérale des Etats-Unis quand son premier mandat viendra à échéance en janvier 2010.

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Publié initialement sur Orange.fr le 23 août 2009.

Les économistes interrogés régulièrement par le Wall Street Journal, les mêmes qui n'avaient rien vu venir et annoncent maintenant la fin de la récession américaine, sont quasiment unanimes à souhaiter la reconduction de Ben Bernanke à la tête de la Réserve Fédérale des Etats-Unis quand son premier mandat viendra à échéance en janvier 2010. Passons sur le fait que la très grande majorité d'entre sont salariés d'institutions financières, qui de Goldman Sachs à Fannie Mae en passant par la Société Générale, doivent leur survie aux secours massifs et indiscriminés déployés par la banque centrale américaine sous la conduite de l'ancien professeur de sciences économiques de l'université Princeton.

La bonne question n'est pas tant de savoir qui sera le prochain patron de la Fed, Bernanke ou un autre, mais bien si le mandat de l'institution ne devrait pas être révisé. Comme on le sait, et contrairement à la Banque centrale européenne comme le déploraient tant d'esprits faux AVANT la crise, la mission de la Fed est ambivalente: prévenir l'inflation ET soutenir la croissance de l'économie américaine, les deux plateaux de la balance ayant la même pondération. Dans le cas de la BCE, la préservation de la stabilité interne de la monnaie est LA mission première et pratiquement unique, que l'appui à l'activité économique, mentionné «en passant» (comme dirait son président Jean-Claude Trichet), par le Traité, ne saurait en aucun cas compromettre.

Force est de constater que depuis sa création en 1913, dans la foulée d'une autre crise financière majeure à Wall Street, la Réserve Fédérale s'est fort mal acquittée de son devoir de défendre la valeur de la monnaie: le pouvoir d'achat du dollar était en 2008 de 5% seulement de celui du billet vert quand la Fed en a reçu la responsabilité. La dérive, en temps de paix, n'a jamais été si forte que pendant le long règne d'Alan Greenspan, le prédécesseur de Ben Bernanke, dont l'aveuglement et les lubies (la «nouvelle économie», le «choc de productivité», etc.) auront permis la formation d'une bulle spéculative après l'autre.

Le fait que l'indifférence de Greenspan à l'inflation des actifs, dans un contexte très particulier de stabilité des prix à la consommation, ait été partagée par les autres banquiers centraux, Trichet y compris, ne l'exonère en rien de sa lourde responsabilité dans la réunion des conditions qui ont conduit au cataclysme d'août 2007. Confronté à cet héritage de Greenspan, Bernanke a dû engager le bilan de la Fed, qui a triplé de volume en quelques mois, et jeter par-dessus bord les principes de l'orthodoxie monétaire pour sauver le système financier américain de la banqueroute. Si la reconduction de Bernanke avait un mérite au demeurant, ce serait d'imposer à celui qui a fait sortir la pâte dentifrice du tube la tâche de l'y faire rentrer. Exercice plutôt délicat dont l'exécution ne manquera pas d'intérêt.

Mais afin d'éviter que la Réserve fédérale ne redevienne à l'avenir l'otage des marchés financiers, comme ce fût le cas sous Greenspan, des politiciens et de l'opinion, c'est une redéfinition du plan de route qui s'impose. La stabilité interne de la monnaie, mais par extension externe (comme il conviendrait à un pays massivement débiteur), doit être l'objectif unique de la politique monétaire. Dans le cas de la Fed, cela implique une révision du mandat et du dogme.

La banque centrale doit redevenir l'institution qui «retire le bol de punch quand la soirée commence à s'animer» pour tuer l'inflation dans l'œuf, selon l'expression d'un lointain prédécesseur de MM. Greenspan et Bernanke, mais qui s'efforce aussi de prévenir les bulles spéculatives dont l'éclatement inévitable, en créant des pressions déflationnistes, menace tout autant la stabilité de la monnaie.