Publié initialement le 18 aôut 2009 sur Orange.fr
La crise financière globale mondiale a deux ans, et même si à cet âge tendre on n'a pas encore toutes ses dents, elle continue à mordre avec entrain dans l'activité économique mondiale et la confiance de ses principaux acteurs, entreprises et ménages. L'activisme gouvernemental, financé par une croissance exponentielle des déficits budgétaires et de la dette publique, notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, épicentres des turbulences bancaires, a d'ores et déjà démontré ses limites. Pour au moins trois raisons.
D'abord et comme toujours en pareille situation, il y a loin des effets d'annonces à la mise en œuvre effective, avec les pertes en ligne considérables et les graves effets de distorsion généralement associés à l‘intervention étatique. Ensuite, parce qu'on arrête pas la mer avec les mains. Loin d'être strictement financière, cette crise est la purge d'excès et de dérives accumulés dans le système depuis au moins trois décennies, purge nécessaire mais sans cesse différée par la construction d'une économie de la dette.
Enfin parce que ce «grand retour» de l'Etat, lui-même financé à crédit, suscite mécaniquement des «anticorps», qu'il s'agisse de la remontée spectaculaire du taux d'épargne des ménages américains (en soit, une vraie bonne nouvelle) ou du refus persistant des principales grandes banques de jouer le rôle que les pouvoirs publics attendent d‘elles, en dépit des sommes énormes engagées (l'équivalent de 44% du PIB au Royaume-Uni) pour les délivrer de ce qui justifiait en théorie leur existence, la gestion du risque. Rôle dans lequel elles ont lamentablement échoué.
La justification des Keynésiens de tous poils est que les choses seraient encore bien pires si les gouvernements s'étaient abstenus d'intervenir ou avaient limité leurs interventions à l'essentiel, protéger les catégories les plus vulnérables des conséquences inévitables de la crise. C'est le type même de l'argument d'autorité face à une question à laquelle, par définition, on ne connaîtra jamais la réponse. On pourrait aussi leur objecter que cet ajustement brutal n'est que la vengeance d'un cycle économique dont on avait cru s'affranchir par des manipulations douteuses, tout spécialement celle de la monnaie.
Comme pour la Grande Dépression des années Trente, il s'écoulera certainement de nombreuses années, voire des décennies, avant que les ressorts lointains comme les rouages précis de l'événement ne soient complètement mis à jour, même si l'avalanche actuelle de «quick book», heureusement aussi vite oubliés qu'ils ont été fabriqués par les auteurs les plus improbables (Jean-Marie Messier pour n'en citer qu'un), est le prix à payer aux mœurs de l'époque.
Avec beaucoup de prudence, on se bornera donc à constater, deux ans après la première vague du tsunami en août 2007, que la crise de liquidité a été sans doute été correctement traitée, à l'initiative surtout de la Banque centrale européenne, la Réserve Fédérale américaine se montrant hésitante et brouillonne. Que la crise de solvabilité des banques, surtout aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne où le problème était le plus aigü, a été gérée en dépit du bon sens, sinon de l'intérêt bien compris de quelques acteurs influents, alors que les précédents scandinave et japonais démontraient, chacun à leur manière, que tel était bien (et reste) le nœud du problème. La facture budgétaire astronomique de ce retour de l'Etat est à la mesure de cette défaillance. Pour le coût macroéconomique et social, le décompte ne fait que commencer.
Comme il se doit, la recherche de boucs émissaires aura produit son lot habituel de propos abracadabrantesques («la moralisation du capitalisme» mérite de rester dans les annales) et d'initiatives dangereuses, telle la manipulation des normes comptables à la demande des banques. Et le G20, incarnation «renovée» de l'absence de gouvernance mondiale, a assumé la tradition des «G» antérieurs, la rédaction de communiqués bourrés de bonnes intentions et suivis de peu ou pas d'effets.
Enfin et surtout, la question centrale n'a pas été sérieusement posée, celle du lien entre le désordre des monnaies et les déséquilibres économiques externes et internes des principales économies mondiales ayant accumulé ces tensions que la crise a libérées. Et elle a bien peu de chances de l'être dans un avenir prévisible.