À dire vrai, les opinions divergent encore concernant les phénomènes observés. Les experts débattent pour savoir s’il s’agit d’une ou plusieurs créatures, et pour en définir la nature : spectre, être hybride, ou même clone du président de la république, qui pourrait avoir été produit dans un laboratoire secret d’une des sociétés appartenant au nouveau dirigeant de la FNSEA.
Ce qui est certain, c’est que se multiplient depuis plusieurs semaines, peut-être plusieurs mois, voire plusieurs années, les apparitions de différents avatars portant les traits du président de la république Emmanuel Macron. En attendant de l’avoir identifié, les services de renseignement le désignent sous le nom de code de : Macron Emmanuel.
Si les explications possibles font encore l’objet de débats, les faits, eux, sont avérés.
Certaines nuits, on peut voir au clair de lune dans un angle des jardins de l’Élysée une créature ressemblant à s’y méprendre au président de la république, vêtu des habits que portait Margaret Thatcher lors de son discours du 21 mai 1980, s’adressant à une foule invisible, prononçant de violentes diatribes mêlant mineurs et opposants à la réforme des retraites, syndicalistes et islamo-gauchistes, et scandant d’un index vengeur un slogan qui paraît incompréhensible :
« Cerise nô, haltère native ! »
D’autres nuits, c’est dans un bureau retiré de l’Élysée qu’on surprend Macron Emmanuel, coiffé d’un képi, agitant les mains autour d’une boule de cristal, et et proférant d’une voix chevrotante mais grave :
« Venez à moi, surgissez des entrailles profondes du parti de l’ordre ! Vous m’avez compris ! Levez-vous et accourez me sauver la France ! »
Face à lui, sur un meuble en formica, un téléviseur en noir et blanc reprend en boucle l’annonce par l’ORTF des résultats des élections législatives de juin 1968. Derrière lui une banderole portant le slogan : « Contre la chienlit, choisissez Bibi ! »
Certaines nuits d’orage, on peut le voir coiffé d’une perruque arpenter les couloirs du palais, lançant à l’écho sonore des corridors :
« Éteignez les Lumières ! »
« Mieux vaut Poutine que la grande Catherine ! »
« Le roué c’est moué, eul’ dollar c’est Dieu ! »
Sous son bras, un volume ancien portant ce titre : « Traité en forme de dissertation faisant valoir les mérites innombrables de l'ancien régime et des républiques bananières ».
Depuis quelques jours il apparaît même en plein jour, à l’entrée d’une grotte artificielle accolée au mur des jardins, vêtu d’une peau de bête commandée à une boutique de luxe des environs, le visage couvert d’une barbe quaternaire. Il y grommelle :
« Le capitalisme c’est la nature. »
Ou bien :
« L’homme n’est pas un loup pour l’homme. Les loups ne s’égorgent pas entre eux. »
Vindicatif, il agresse les fonctionnaires de la présidence qui mangent dans le jardin les jours de soleil, et leur vole leur sandwich. Mais il ne les mange pas, il les thésaurise. C’est seulement quand ils ont fructifié qu’il mange les vers.
Dernières nouvelles : ce matin même, dans toutes les mairies de France, les portraits du président de la république ont été mystérieusement remplacés par des portraits des différents avatars de Macron Emmanuel. Les experts commencent à dire tout haut ce qui se murmurait tout bas : et si les avatars de Macron Emmanuel n’étaient pas un spectre, mais la vraie créature, l’original, et le président élu, Emmanuel Macron, un simple simulacre, un leurre, un appeau à électorat ?