18 août, 24 septembre, 5 et 6 octobre 1944 : dans la vallée du Rabodeau, à l'est Vosges, tandis qu'il écrase les maquis, l'occupant allemand procède à des rafles dans la population. Près de mille personnes sont déportées, plusieurs dizaines fusillées.
Il y a des plaques, des monuments. Il y a des commémorations, chaque année.
Le 5 octobre 1972 a lieu le congrès fondateur du Front national, devenu le 1er juin 2018 Rassemblement national. Jean-Marie Le Pen en est élu président, François Brigneau, ancien milicien, vice-président. Parmi les fondateurs et fondatrices, Victor Barthélemy, figure de la collaboration et du fascisme français, Pierre Bousquet, ancien Waffen-SS, Léon Gauthier, ancien Waffen-SS, et d'autres aux parcours similaires. On y trouve aussi des anciens de l'OAS, des membres du parti néo-fasciste Ordre nouveau. Et quelques figures de la Résistance, comme Rolande Birgy ou Pierre Sergent (passé entre-temps par l'OAS).
Aux élections du 9 juin 2024, si on ne prend pas en compte les autres petites listes d'extrême-droite, les listes Bardella et Maréchal totalisent, en remontant le cours du Rabodeau, 62% à Moyenmoutier, 56% à Senones, 64% à La Petite Raon, 51% à Moussey.
La situation n'est pas nouvelle, mais cette fois l'extrême-droite est aux portes du gouvernement.
Et l'histoire de la guerre, pour les personnes âgées qui sont nées ici, c'est l'histoire de leur parents et de leurs grands-parents, parfois leur histoire en tant qu'enfant. Et si les commémorations sont aujourd'hui émoussées, elles étaient importantes dans les décennies qui ont suivi la guerre.
C'est aussi une vallée industrielle, à l'histoire ouvrière ancienne.
Mais entre temps, les usines ont fermé, et la gauche était au pouvoir. La méfiance et la rancune en sont resté. Le tournant de la rigueur en 1982 - 1983 a donné à l'extrême-droite un élan que le gouvernement Jospin et le quinquennat Hollande ont amplifié.
Cette fois-ci, l'extrême-droite est au porte du gouvernement. Ce n'est plus un simple vote de protestation. C'est un vote effectif.
Quelle mémoire, et quel avenir, choisira la population de la vallée ?