C’est presque devenu un classique de l’alternance : l’opposition arrive au pouvoir avec un grand sac de promesses, et découvre – surprise ! Horreur ! – que l’état dramatique des finances publiques – le déficit, la dette – rend impossible la réalisation des promesses et nécessaire le renforcement de l’austérité.
La grande victoire de Macron avec la dissolution – son but principal peut-être – est d’avoir installé le narratif selon lequel le « nouveau » gouvernement (la même majorité + ce qui reste des LR après la scission Ciotti) découvrait – horreur ! Surprise ! – l’état dramatique des finances publiques rendant inéluctable des mesures d’austérité brutales.
Il a fallu la chute d’un premier gouvernement pour que le second obtienne, grâce à l’abstention du Rassemblement national et du Parti socialiste, l’adoption d’un budget d’austérité renforcée. Lequel gouvernement vient de tomber en amont du débat sur un budget 2026 d’austérité doublement renforcée. Mais, même si des compromis se faisaient quant au redoublement austéritaire pour 2026, il est probable que le saut austéritaire de 2025 et ses effets sur les services publics et la protection sociale resteraient « acquis ».
Autre victoire liée à la dissolution, l’alliance avec Les Républicains, qui semblait impossible avant. Macron a réalisé l’union de la droite – mais une droite qui rassemblée ne représente plus que le tiers de l’électorat.
À ce titre, il a obligé son camp à composer avec l’extrême-droite pour éviter la censure du gouvernement. Composition fragile, sans cesse remise en question, mais l’habitude est prise. Si Macron est partisan de la convergence des droites et des extrêmes-droites, comme Sarkozy dont il est proche, comme cela se passe un peu partout dans l’Union européenne, là encore la dissolution – dont le résultat annoncé était plutôt une cohabitation avec l’extrême-droite – lui a permis d’avancer.
Enfin, si la dissolution a eu pour effet immédiat une réconciliation de la gauche, un an plus tard la rupture semble consommée. Dans une configuration où il est généralement nécessaire de s’allier en amont du premier tour pour être présent au second, le Parti socialiste a rompu à gauche, sans que la ligne de fracture soit encore claire, sans avoir noué à droite une alliance qui supposerait, telles que les choses peuvent parfois énoncées, une recomposition du camp présidentiel qui tarde à advenir. Et à défaut d’avoir encore élargi son camp vers la gauche, Macron a du moins affaibli son principal adversaire, qui reste la gauche elle-même.
Si la dissolution a permis à Macron d’avancer sur certains objectifs, les obstacles à la continuation de sa politique n’en sont pas moins importants.
Si ses gouvernements ont utilisé tous les moyens offerts par la constitution pour imposer leur politique sans disposer de majorité, ils continuent néanmoins à se heurter au fait que le soutien à ces politiques dans la population est minoritaire et que cela se traduit dans la composition de l’Assemblée. Pour continuer dans la voie qu’il a choisie, une évolution des institutions dans un sens plus autoritaire est donc nécessaire. Mais, malgré l’emploi de postures et de vocabulaire guerrier, qu’il s’agisse du Covid ou de l’Ukraine, le choc n’est pas encore advenu qui rende acceptable, voire inéluctable aux yeux de l’opinion publique, un remaniement autoritaire des institutions.
D’autre part, si Macron semble voir d’un bon œil une convergence avec l’extrême-droite, la réciproque ne semble pas vraie. Le Rassemblement national vise toujours à gouverner sinon seul, du moins en satellisant la partie la plus extrémisée de la droite dite « de gouvernement ». S’il peut favoriser les convergences, Macron n’est pas en situation de rassembler. Et il n’a pas grand-chose à offrir à une extrême-droite aux portes du pouvoir.