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Billet de blog 19 juin 2018

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UE : le projet de règlement "qualification" ou la précarisation de l'asile

Augmenter les prérogatives européennes et réduire les droits des réfugiées sont les deux axes de la réforme en discussion du "paquet asile", l'ensemble de textes constituant la législation européenne sur l'asile. Parmi eux, le projet de règlement "qualification" porte sur la définition de l'asile et de la protection subsidiaire, et sur les droits obligations des personnes qui en bénéficient.

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La version actuellement en vigueur du "paquet asile" comprend trois directives (sur les conditions d'accueil des demandeur-se-s d'asile, sur les procédures, et sur les définitions et les droits et devoirs - l'actuelle directive "qualification") et deux règlements (Dublin III sur la détermination du pays responsable de l'examen d'une demande d'asile, et EURODAC sur le fichier d'empreintes digitales utilisé dans le cadre de Dublin III). Le projet de réforme du "paquet asile" prévoit que seule subsiste une directive, concernant les conditions d'accueil, les quatre autres textes étant des règlements. Une directive est un texte cadre, qui doit être transposée dans les différentes législations nationales, et laisse donc à chaque État des marges d'adaptation. Un règlement est un texte européen qui s'applique directement et uniformément dans les États membres.

La motivation qui est donnée à ce surcroît de centralisation et d'uniformisation est de lutter contre le "shopping de l'asile", expression disqualifiante utilisée par les institutions européennes pour désigner la mobilité des personnes en recherche de protection d'un pays à l'autre à la recherche des meilleures (ou des moins mauvaises) conditions d'accueil. En uniformisant le cadre européen, la Commission prétend lutter contre cette mobilité présentée comme un problème. Pour vaincre les réticences des gouvernements les plus hostiles aux exilé-e-s et les plus opposés au renforcement de la centralisation européenne, cette uniformisation se fait en tirant les droits vers le bas. Et comme le dit le préambule du projet de règlement "qualification", le passage de la directive au règlement empêche un État qui le souhaiterait de faire mieux que le texte européen en matière de droits des personnes : "Étant donné qu’il a été choisi de retenir l’instrument du règlement pour la présente proposition, aucune disposition ne permet plus aux États membres d’octroyer un traitement plus favorable".

Deux dispositions du projet de règlement remettent en cause de manière importante les droits des personnes en recherche de protection dans l'Union européenne.

L'obligation de privilégier ce qui dans le jargon s'appelle "l'asile interne" : à partir du moment du moment où on considère qu'il existe dans le pays que la personne a fui une région où elle serait en sécurité, elle ne relève pas de l'asile en Europe et doit être renvoyée dans cette région de son pays d'origine. Cette disposition est facultative dans les textes actuellement en vigueur, elle deviendrait obligatoire : s'il existe par exemple une région considérée comme sûre en Afghanistan, tous les États membres auront l'obligation de renvoyer tou-te-s les demandeur-se-s d'asile afghan-e-s dans cette région d'Afghanistan.

L'obligation de réexaminer la protection accordée en fonction de l'évolution de la situation dans le pays d'origine, qui fera l'objet de rapports de l'Agence de l'Union européenne pour l'asile. Le but étant, si la situation est considérée comme devenue suffisamment sûre dans le pays d'origine d'y renvoyer les personnes puisqu'elles n'auraient plus besoin d'être protégées en Europe.

S'ajoutent des mesures de rétorsion à l'encontre des personnes qui quitteraient le pays où elles auraient obtenu une protection pour un autre pays européen (toujours la volonté de réprimer la mobilité des réfugié-e-s à l'intérieur de l'Union européenne), et un débat sur la durée des titres de séjour liés au statut de réfugié et à la protection subsidiaire. Le Commission européenne avait d'abord proposé une durée uniforme des titres de séjour, puis une fourchette, il semblerait qu'il n'y ait plus actuellement de durée minimale claire.

Vous pouvez

télécharger la proposition initiale de la Commission européenne ici (pdf, 731.0 kB)

. Elle date de 2016, elle a été amendée depuis, mais les grandes intentions restent les mêmes.

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