Le mouvement de mai 1968, fait de grèves, de blocages, d’occupations, de manifestations, d’émeutes, touche l’ensemble de la société française et du territoire. Après la signature des accords de Grenelle le 27 mai, le départ du président De Gaulle à Baden-Baden le 29, suivi à son retour par la dissolution de l’Assemblée nationale le 30 mai sur proposition du premier ministre, le mouvement reflue au cours de la première quinzaine de juin.
Aux élections des 23 et 30 juin, le parti présidentiel (Union pour la Défense de la République) obtient à lui seul la majorité absolue – 293 sièges sur 487, auxquels s’ajoutent les 61 sièges de son alliée la Fédération Nationale des Républicains Indépendants. Le centre et la gauche reculent par rapport aux législatives de 1967.
Dans les faits, le mode de scrutin accentue l’évolution en nombre de voix, avec un taux de participation en très léger recul par rapport à 1967 (- 1,2 points au premier tour, - 0,8 points au second – on reste en 1968 sur une participation de 80 % au premier tour et de 79 % au second). Au premier tour (donc sur l’ensemble des circonscription), la coalition présidentielle a gagné deux millions de voix, le centre en a perdu 1,2 millions, la FGDS (Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste) 600 000, le PCF et ses alliés 600 000 également. Seul le PSU (Parti Socialiste Unifié) gagne 400 000 voix doublant son score par rapport à 1967 – cela représente un passage de 2,12 % à 3,89 % – le PSU avait aussi triplé le nombre de ses candidats.
De toute évidence, le camp gaulliste, qui était en reflux à la présidentielle de 1965 et aux législatives de 1967, a bénéficié en 1968 de sa position de parti de l’ordre. Et la gauche n’a pas bénéficié du mouvement de mai, dont elle ne s’est au reste pas revendiquée (sauf le PSU), voire dont elle s’est démarquée.
On peut formuler comme hypothèse que deux articulations ont manqué. L’une entre la population en mouvement et la population hors du mouvement, qui a perçu la situation comme un désordre, une perturbation, un danger, et au moment du vote s’est mobilisée pour le parti de l’ordre. L’autre entre le mouvement et les partis politiques de gauche, qui ne l’ont pas compris dans sa dimension émancipatrice ou l’on perçue comme un danger.
Ces articulations ne semblent pas mieux trouvées aujourd’hui. De plus, par rapport au paysage politique bipolaire de 1968 a émergé un troisième acteur, l’extrême-droite, qui se présente à la fois comme le débouché politique des colères et comme parti de l’ordre, et semble réussir en assumant ce double rôle.