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Billet de blog 28 novembre 2017

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De Pexonne à Badonviller, chronique d'une périphérie

Premiers pas à la découverte d'un territoire délaissé à la limite de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges, rural mais anciennement industrialisé, où les idées d'extrême-droite s'installent dans les esprits et où le Front National consolide ses scores électoraux.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De la fureur de Calais au calme de la campagne lorraine, entre le village de Pexonne et le bourg de Badonviller. Comme Calais avait la dentelle, ces deux localités avaient la faïence, qui fit venir le chemin de fer et pourvut d'emploi industriel tout ce secteur rural. Principalement dans les périodes de reconstruction qui ont suivi les deux guerres mondiales, les usines ont eu recours à la main-d’œuvre immigrée. Aujourd'hui, les faïenceries ont fermé, le chemin de fer a disparu et les transports en commun sont quasi inexistants, le passé d'immigration s'est effacé des mémoires. L'unique supérette du secteur vient de fermer. Le récit d'extrême-droite s'implante sur le repli de ce territoire délaissé. À l'automne 2015, la réaction virulente du maire et d'une partie de population empêche l'ouverture d'un Centre d'Accueil et d'Orientation qui devait accueillir des exilés de Calais à Pexonne, exilé-e-s que les habitant-e-s ne connaissaient que par l'image qu'en donnent les médias.

Deux articles tirés du blog De Pexonne à Badonviller https://depexonneabadonviller.wordpress.com/ :

Une campagne désindustrialisée

https://depexonneabadonviller.wordpress.com/2017/10/03/une-campagne-desindustrialisee/

La vallée suivante, celle de la Plaine, marque la limite du département des Vosges. Puis une ligne de collines couvertes de forêts, dans la continuation du massif montagneux, dans laquelle a été logé le lac artificiel de Pierre-Percée. De l'autre côté, vers le nord-ouest, ondule un paysage champêtre.

Là, à l'orée de la forêt, se succèdent le long de la départementale, sur 3 kilomètres, les communes de Badonviller, Fenneviller et Pexonne, sous un air de ruralité qui aurait duré toujours.

Si une tuilerie est attestée à Pexonne dès le 16e siècle, la faïencerie qui s'y installe au 18e siècle, tout comme la première faïencerie de Pexonne, ne représentent à cette époque que quelques dizaines d'employés, comme de multiples activités industrielles qui se se créent en milieu rural en fonction des ressources du lieu.

Mais la production de faïence connaîtra un développement qui ira bien au-delà, l’usine de Pexonne emploiera jusqu’à 400 salarié-e-s au début du 20e siècle (quand la commune compte un peu plus de mille habitant-e-s), tandis que celle de Badonviller ira jusqu’à 1100 salarié-e-s après la Seconde Guerre mondiale (Badonviller ayant alors un peu plus de 2000 habitant-e-s). L’activité concerne alors tous les villages alentours.

L’emplacement de la faïencerie de Badonviller est aujourd’hui un terrain nu en friche, dont rien ne vient indiquer la fonction passée. Sur celui de la faïencerie de Pexonne se trouvent les bâtiments plus récents et abandonnés qui ont accueilli les activités qui ont tenté de prendre le relais, une briqueterie, puis une scierie. Par endroit, un chemin marque encore le tracé de l’ancienne ligne de chemin-de-fer qui reliait Badonviller à Baccarat et à la vallée de la Meurthe– une autre reliait au nord puis ouest Badonviller à Cirey-sur-Vezouze et Lunéville.

Les activités économiques continuent de déserter le secteur, et le développement touristique n’a pas tenu les promesses qui ont été faites en son nom. Seul le Front National semble prospérer dans ce territoire délaissé.

Chronique d'une périphérie

https://depexonneabadonviller.wordpress.com/2017/11/27/chronique-dune-peripherie/

Que peut-il y avoir d’intéressant dans une chronique et une réflexion sur la situation d’un coin perdu de la campagne lorraine ? Localement, quand le repli identitaire fait le lit de l’extrême-droite, il est intéressant d’ouvrir un espace public de réflexion, fut-il virtuel, et de questionner les représentations. Mais au-delà ?

Au-delà, cette chronique peut participer à une réflexion plus large sur les délaissés d’une société où la compétition entre les territoires amène une concentration croissante de l’activité économique, des services publics et de la création culturelle dans les métropoles, et le développement de l’extrême-droite à partir de ce délaissement. La question se pose en terme de choix de société, qu’il s’agisse du sens d’une solidarité entre les territoires et non d’une compétition, et du danger que fait courir l’extrême-droite à la démocratie, aux libertés et au pluralisme de notre société – et au-delà de conserver ce qui s’effrite déjà de retrouver le sens d’un projet émancipateur.

La réflexion ancrée localement peut donc se relier, échanger, inspirer et s’inspirer d’autres actions ailleurs, y compris pour mettre en valeur les dynamiques solidaires et émancipatrices qui peuvent émerger ici comme dans d’autres territoires analogues. La mise en commun de compétences et de moyens d’action est aussi un plus là où la ressource peut être rare.

C’est pour ces raisons que ce modeste travail en devenir peut se relier à des enjeux de société plus généraux et susciter un intérêt plus large.

Illustration 1

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